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La poésie francophone [1]

Mathilde Filloz, poète


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Mère, femme, lutteuse, poète ! Voilà les mots qui me viennent à l’esprit quand je pense à Mathilde Filloz née en Franche-Comté, dans un joli village sur la Saône en 1912. Elle est devenue provençale de cœur à partir de 1954.

Orpheline de la première guerre mondiale, son père lui a beaucoup manqué.

Sa mère, veuve de guerre a sacrifié le reste de sa vie à élever ses deux enfants. . Son enfance s’est déroulée dans une famille très modeste. C’est-là qu’elle a puisé ses motivations de lutter pour aider les déshérités.

C’est grâce aux qualités morales et civiques de ses maîtres de l’école primaire laïque et à leur aide qu’elle a pu poursuivre des études limitées, mais qui lui ont néanmoins ouvert les portes de la connaissance, de la liberté d’esprit, la culture et les arts, musique et écriture surtout.

Femme travailleuse dès 1930, elle a vécu un parcours enrichissant.

Militante, elle a été de tous les combats contre l’oppression ; elle a participé toute sa vie aux luttes ouvrières, et aux luttes pour la Paix dont elle a été longtemps une dirigeante.

Conseillère municipale de Besançon en 1947, elle est à l’origine de la création d’un centre d’éducation pour handicapés en 1950.

Fonctionnaire, elle a passé sa vie à défendre le petit peuple. Elle l’a souvent payé de sanctions lourdes:blocages de carrière, déplacements d’office,mises au « placard » chasse aux sorcières .

Résistante de 1940 à 1945, durant la dernière guerre mondiale, elle a écrit un documentaire sur cette période en collaboration avec son mari Résistant lui aussi : « Quelle horreur, la guerre ! ».Elle a écrit un second documentaire pour défendre l’un de ses trois fils victime d’un harcèlement moral grave qu’elle dénonce en termes vigoureux :« Autopsie d’une machination ! ».

Nouvelliste elle a écrit plusieurs nouvelles puisées dans ses souvenirs d’enfance et dans les événements qui ont jalonné presque un siècle de vie.

Mais Mathilde est surtout poète. La plupart de ses quatre cents poèmes sont écrits en poésie classique. Elle nous parle d’amour, de famille, de nature, de société, d’injustice, d’humanité, de tolérance. Elle dénonce le cancer de la guerre et appelle à la Paix ! Ses lecteurs se reconnaissent dans les sentiments qu’elle exprime. Elle écrit toujours avec franchise, détermination, courage et sensibilité !

La devise de sa Franche-Comté, qu’elle a faite sienne, semble parfaitement lui convenir : « Comtois rends –toi ! Nenni ma foi ! »

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poèmes, de Mathilde Filloz

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De l’aurore au crépuscule.

J’ai vu l’aurore bleue au- dessus des collines.
Sur la Saône jolie, où courait le remeil,
En foulant les prés verts, parsemés d’agnelines,
Quand tintinnabulait la clarine en vermeil.

J’ai vu l’aurore d’or qui fait fleurir la rose
Et brode le nimbus de purs festons dorés,
Lorsqu’une douce bruine, en un matin morose,
Saupoudre le jardin de grains d’aiguail nacrés.

J’ai vu l’aurore en feu, flamboyante au grand large,
Quand le soleil se lève, entre le ciel et l’eau,
Où filtre le rayon aux couleurs de litharge,
Enluminer la mer de miroirs au galop.

J’ai vu l’aurore mauve, aux crêtes de l’Espagne,
Mettre un manteau d’évêque aux rochers de granit,
Et chasser la chimère au fond de la campagne ;
Puis, le soleil vainqueur éclairer le zénith !

J’ai même vu l’aurore, ô sublime surprise,
A l’horizon si proche, embraser le levant !
Splendeur ! Tons de pastel quand l’orient s’irise
D’or, de bleu, rose et vert, grand spectacle mouvant !

Je vois le crépuscule à la fin de ma vie.
Il reste la tendresse et le banc pour s’asseoir…
Mon cœur s’émeut encor, si la nuit me convie,
Sous la lune d’argent, dans la douceur d’un soir !

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Je ne suis que poète

Si j’étais troubadour, en style pathétique,
J’écrirais nos secrets, nos tendres voluptés,
L’ivresse du printemps, les splendeurs des étés ;
Puis, attendant l’hiver, l’automne romantique !

Si j’étais un grand peintre, armé d’une palette
Pour mêler et choisir l’éclatante couleur,
J’ajouterais du rose aux larmes du malheur...
Et du rouge et du vert au moineau qui volette !

Si j’étais créateur, ma musique divine,
Au chant du violon qui gémit en solos,
Sous le vibrant archet, avec de longs sanglots,
Jetterait dans ton sang le trouble qu’on devine !

Si j’étais un sculpteur, fuyant tous les modèles,
Je pétrirais la glaise en caressant ton corps,
Sur lequel doucement, je coulerais des ors,
Incrustant du saphir dans tes beaux yeux fidèles !

Si j’étais un danseur, chassant les jours moroses,
Je te ferais valser, le soir, dans le jardin,
Souriant à l’amour dans un élan soudain,
Sous les arbres en fleurs, et, sur un lit de roses…

Je ne suis que poète, artiste qui s’exprime
Avec de simples mots. Quand va mourir le jour,
Mes vers chantent pour toi, nos souvenirs d’amour,
Nos rêves fous des nuits, en mariant la rime !
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Je t’entends, penser à notre amour !

Sous les nuages bas, sans fin, tombe la bruine.
L’eau coule sur le sol maintenant décapé.
De partout, elle sourd et jaillit dans la ruine.
Sous le toit, s’est blotti le moineau rescapé.

Nous regardons mourir le morne paysage
Qui se fond dans le noir quand disparaît le jour.
Et, dans le clair obscur, s’estompe ton visage.
Surgissent du passé nos souvenirs d’amour.

C’était au mois d’avril quand revient l’hirondelle.
Sentaient bon les jasmins, la rose et les muguets.
Les frissons des zéphyrs agitaient l’asphodèle.
Elans de nos vingt ans qui nous rendaient si gais !

Comme le sombre ciel, mon cœur est lourd…Il saigne…
Il me souvient encor de nos amours d’antan,
Juvéniles ébats que l’ardeur nous enseigne
Quand le premier émoi s’éveille au vent d’autan !

Il neige sur nos fronts. La mémoire s’efface,
S’abîme dans la nuit…S’éteint le souvenir…
Dans un regard humide une larme qui fasse
Oublier les regrets. Rien ne peut revenir !

N’être plus qu’un, muets, car notre esprit se vide.
C’est le froid de l’hiver qui s’installe au foyer.
Tic-tac, s’enfuit le temps que l’horloge dévide.
La fleur ainsi se fane…A quoi bon larmoyer ?

Pleins de songes nos yeux fixent la même image.
Dans la langueur du soir, quand va mourir le jour,
Les rêves sont tendresse et silence à notre âge.
Ne dis rien… Je t’entends penser à notre amour…

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La lettre d’amour

L’heure viendra bientôt… Alors, selon l’usage
J’ai vidé les tiroirs. Relisant tour à tour,
Brûlant nos souvenirs, je revois ton visage…
J’ai trouvé, par hasard, une lettre d’amour !

En secret tu m’écris : « Depuis vingt ans, je t’aime...
Ton absence fait mal, brise mon cœur trop lourd,
Si je ferme les yeux, je vois ton corps…poème ! »
Je n’ai jamais reçu cette lettre d’amour !

Aux vingt ans de bonheur a succédé l’ivresse.
Pour conter nos émois, tu t’es fait troubadour.
Noces de diamant, et jusqu’au bout tendresse.
J’ai découvert enfin cette lettre d’amour !

Parcourant les courriers qu’on ne lègue à personne,
Je revis ces temps-là, comme le premier jour.
Nos rendez-vous le soir…La clarine qui sonne…
Au fil des ans s’inscrit cette lettre d’amour !

Le chagrin si cruel, a frôlé la démence.
Depuis, chaque matin, la rose de velours,
Doucement te redit que ma peine est immense.
Je frissonne en lisant cette lettre d’amour !

La caresse des mots fait couler une larme.
Je retrouve en mon cœur le souvenir du jour
De ton premier baiser, du geste qui désarme.
Dans le parfum si doux de ta lettre d’amour !

Je la conserverai jusqu’à mon dernier souffle,
Pour les relire encor, savourant tour à tour,
Ces lignes de douceur, dont la lecture essouffle,
Charme des aveux fous de ta lettre d’amour !

***************

La mère, l’enfant, la guerre

Bébé est arrivé ! Sa maman, sans attendre,
Prend en mains l’œuvre d’art, seule, en catimini.
C’est de tous, le mieux fait, le plus beau, le plus tendre.

Ainsi croit la maman qui veille à l’infini,
Le regardant sans cesse, au réveil elle aspire.
Douce avec l’oisillon, l’installe au creux du nid .

Vigilante, avant tout, s’assure qu’il respire.
Son tout premier souci, c’est son petit enfant
Qu’elle va dorloter et protéger du pire.

Le parcours du gamin sera ébouriffant.
L’école le conduit au son clair de la cloche,
Il devient lycéen…Il en sort triomphant !

Le voilà maintenant avec la barbe floche…
Il peut décider, seul, choisir son devenir.
L’université s’ouvre et le temps s’effiloche.

On murmure que peut, la guerre survenir…
C’est vrai que des soldats embarqués vont se battre,
Leur cercueil en bagage…On prévoit l’avenir …

La planète est en feu, le garçon va combattre.
Il part en uniforme et rejoint le vieux fort ;
Et la mère en sanglots n’en peut jamais débattre !


Elle tremble pour lui. Son petit est grand, fort !
C’est un être achevé dont elle est orgueilleuse.
Mais ce monde sanglant l’emporte sans effort…

Préparons les linceuls. Un tir de mitrailleuse
A crépité ce soir et tue avec fureur.
Les cercueils sont remplis par la mort gaspilleuse !

Mères en voiles noirs… Spectacle de terreur…
Le clairon a sonné sur le champ du silence
Où sont tombés leurs fils… La guerre est une horreur !
Peut-on prendre la vie avec tant d’insolence ?

***************

Mon amour aux yeux clos

Sous un berceau de fleurs, le doux printemps s’impose !
Les pervenches sont là, comme à chaque saison.
Le mas est englouti sous une floraison
De nos vieux cerisiers que chaque avril propose…


Dans la langueur du temps, maintenant il repose,
Mon amour aux yeux clos… Chancelle ma raison !
Tout me parle de toi dans la vieille maison…
Ô, douleur de mes nuits, sans jamais une pause !

Je ne m’enfuirai pas. Déjà le souvenir
De ton cœur envolé, mêle pour l’avenir
La tendresse d’antan, le chagrin qui me brise…

Poèmes, rêves fous, reviendront tous les jours…
Du soir crépusculaire à l’aube qui s’irise !
J’écrirai que je t’aime et te dirai : « Toujours ! »

Suite

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