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Émile VERHAEREN

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Emile Verhaeren (1855 - 1916)

Sa vie

Emile Verhaeren est né le 21 mai 1855 à Sint-Amands, petite commune belge en bord d'Escaut, non loin de la grande métropole Anversoise. Il fera ses études secondaires à Gand, chez les jésuites, au Collège Sainte-Barbe, en même temps que Georges Rodenbach et quelques années avant Maurice Maeterlinck, autres grands noms de la littérature flamande de langue française. Ensuite, ce seront des études de droit à l'Université Catholique de Louvain.

Sa carrière sera cependant bien plus littéraire que juridique. Il est actif dans "La Jeune Belgique" dès le début, en 1881, avec Max Waller, Iwan Gilkin, Albert Giraud et Emile Van Arenbergh. En 1883, il publie son premier recueil, encore empreint de naturalisme, "Les Flamandes". Après, ce sera "Les Moines" (1886), où transparait une certaine attirance pour le mystique.

Ensuite viendra la trilogie symboliste avec "Les Soirs" (1888), "Les Débâcles" (1888) et "Les Flambeaux noirs" (1891), oeuvre marquée par le pessimisme, la noirceur et la neurasthénie, oeuvre où abondent les images violentes et sanglantes. C'est l'oeuvre d'un auteur qui traverse une grave dépression. En 1891, année de son mariage, ces chimères noires s'effaceront dans "Les Apparus dans mes Chemins".

Plus tard, sous l'influence du socialisme d'Emile Vandervelde, sa poésie deviendra plus sociale avec cette autre trilogie: "Les Campagnes hallucinées" (1893), "Les Villages illusoires" (1895) et "Les Villes tentaculaires" (1895), portraits sombres d'une société en mutation, mais aussi profession de foi en le progrès. Ce sont sans doute les oeuvres auxquelles on pense en premier quand on parle de Verhaeren aujourd'hui.

Mais Verhaeren est aussi le poète du bonheur conjugal, comme dans "Les Heures claires" (1896), "Les Heures d'Après-midi" (1905) et "Les Heures du Soir" (1911), ou de son pays natal, comme dans le cycle "Toute ma Flandre", avec ses cinq recueils: "Les Tendresses premières" (1904), "La Guirlande des Dunes" (1907), "Les Héros"(1908), "Les Villes à Pignons" (1909) et "Les Plaines" (1911).

Il y a aussi ces recueils ou le poète chante les forces qui mènent l'humanité, des poèmes remplis de fougue et d'optimisme: "Les Visages de la Vie" (1899), "Les Forces tumultueuses" (1902), "La Mutltiple Splendeur" (1906), "Les Rythmes souverains" (1910). Peut-être est-ce la partie de son oeuvre qui a eu le plus de mal à vieillir. Serait-ce parce qu'il n'est aujourd'hui plus vraiment possible de croire en l'homme et en le progrès après deux guerres mondiales, après Hiroshima, après Auschwitz? Qui disait encore qu'aucune poésie n'était plus possible après Auschwitz? En tout cas, ce ne pourra plus être la même qu'avant...

La guerre bouleversera le poète, viendra fracasser son bel optimisme lyrique en une humanité meilleure. Elle inspirera à Verhaeren un dernier recueil de poèmes, tout empreint de patriotisme. Il est rare que le patriotisme ou le nationalisme inspire des chefs-d'oeuvre impérissables. "Les Ailes rouges de la Guerre", paru en 1916, ne déroge pas à cette règle. Verhaeren ne verra pas la fin de ce premier cauchemar mondial. Il décèdera le 27 novembre 1916 à Rouen, écrasé par un train.

Verhaeren, tout comme Maeterlinck, fut un des écrivains francophones les plus célébrés de son temps. Force est de constater que son étoile a bien pâli et qu'il ne reste pas grand-chose de cette gloire passée. Aujourd'hui, peu de gens le lisent encore et ses oeuvres, à quelques rares exceptions près, végètent trop souvent dans les réserves des bibliothèques, d'où plus personne ne semble les déranger. Peut-être ce site vous donnera-t-il l'envie d'aller les sortir du semi-oubli dans lequel elles sont un peu injustement tombées

Son oeuvre poétique

Les Flamandes (1883)
Les Moines (1886)
Les Soirs (1888)
Les Débâcles (1888)
Les Flambeaux noirs (1891)
Au Bord de la Route (1891)
Les Apparus dans mes Chemins (1891)
Les Campagnes hallucinées (1893)
Les Villages illusoires (1895)
Les Villes tentaculaires (1895)
Les Douze Mois (1895)
Les Bords de la Route (1895)
Les Heures claires (1896)
Les Heures d'après-midi (1905)
Les Heures du Soir: (1911)
Les Aubes (1898)
Les Vignes de ma muraille (1899)
Les Visages de la vie (1899)
Les Forces tumultueuses (1902)
Toute la Flandre: les Tendresses premières (1904)
Toute la Flandre: la Guirlande des Dunes (1907)
Toute la Flandre: les Héros (1908)
Toute la Flandre: les Villes à Pignons (1909)
Toute la Flandre: les Plaines (1911)
La multiple Splendeur (1906)
Les Rythmes souverains (1910)
Les Blés mouvants (1912)
Les Ailes rouges de la Guerre (1916)
Les Flammes hautes (1917)
A la vie qui s'éloigne (1924)


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La ville

Tous les chemins vont vers la ville.

Du fond des brumes,
Avec tous ses étages en voyage
Jusques au ciel, vers de plus hauts étages,
Comme d'un rêve, elle s'exhume.

Là-bas,
Ce sont des ponts musclés de fer,
Lancés, par bonds, à travers l'air ;
Ce sont des blocs et des colonnes
Que décorent Sphinx et Gorgones ;
Ce sont des tours sur des faubourgs ;
Ce sont des millions de toits
Dressant au ciel leurs angles droits :
C'est la ville tentaculaire,
Debout,
Au bout des plaines et des domaines.

Des clartés rouges
Qui bougent
Sur des poteaux et des grands mâts,
Même à midi, brûlent encor
Comme des oeufs de pourpre et d'or ;
Le haut soleil ne se voit pas :
Bouche de lumière, fermée
Par le charbon et la fumée.

Un fleuve de naphte et de poix
Bat les môles de pierre et les pontons de bois ;
Les sifflets crus des navires qui passent
Hurlent de peur dans le brouillard ;
Un fanal vert est leur regard
Vers l'océan et les espaces.

Des quais sonnent aux chocs de lourds fourgons ;
Des tombereaux grincent comme des gonds ;
Des balances de fer font choir des cubes d'ombre
Et les glissent soudain en des sous-sols de feu ;
Des ponts s'ouvrant par le milieu,
Entre les mâts touffus dressent des gibets sombres
Et des lettres de cuivre inscrivent l'univers,
Immensément, par à travers
Les toits, les corniches et les murailles,
Face à face, comme en bataille.

Et tout là-bas, passent chevaux et roues,
Filent les trains, vole l'effort,
Jusqu'aux gares, dressant, telles des proues
Immobiles, de mille en mille, un fronton d'or.
Des rails ramifiés y descendent sous terre
Comme en des puits et des cratères
Pour reparaître au loin en réseaux clairs d'éclairs
Dans le vacarme et la poussière.
C'est la ville tentaculaire.

La rue - et ses remous comme des câbles
Noués autour des monuments -
Fuit et revient en longs enlacements ;
Et ses foules inextricables,
Les mains folles, les pas fiévreux,
La haine aux yeux,
Happent des dents le temps qui les devance.
A l'aube, au soir, la nuit,
Dans la hâte, le tumulte, le bruit,
Elles jettent vers le hasard l'âpre semence
De leur labeur que l'heure emporte.
Et les comptoirs mornes et noirs
Et les bureaux louches et faux
Et les banques battent des portes
Aux coups de vent de la démence.

Le long du fleuve, une lumière ouatée,
Trouble et lourde, comme un haillon qui brûle,
De réverbère en réverbère se recule.
La vie avec des flots d'alcool est fermentée.
Les bars ouvrent sur les trottoirs
Leurs tabernacles de miroirs
Où se mirent l'ivresse et la bataille ;
Une aveugle s'appuie à la muraille
Et vend de la lumière, en des boîtes d'un sou ;
La débauche et le vol s'accouplent en leur trou ;
La brume immense et rousse
Parfois jusqu'à la mer recule et se retrousse
Et c'est alors comme un grand cri jeté
Vers le soleil et sa clarté :
Places, bazars, gares, marchés,
Exaspèrent si fort leur vaste turbulence
Que les mourants cherchent en vain le moment de silence
Qu'il faut aux yeux pour se fermer.

Telle, le jour - pourtant, lorsque les soirs
Sculptent le firmament, de leurs marteaux d'ébène,
La ville au loin s'étale et domine la plaine
Comme un nocturne et colossal espoir ;
Elle surgit : désir, splendeur, hantise ;
Sa clarté se projette en lueurs jusqu'aux cieux,
Son gaz myriadaire en buissons d'or s'attise,
Ses rails sont des chemins audacieux
Vers le bonheur fallacieux
Que la fortune et la force accompagnent ;
Ses murs se dessinent pareils à une armée
Et ce qui vient d'elle encor de brume et de fumée
Arrive en appels clairs vers les campagnes.

C'est la ville tentaculaire,
La pieuvre ardente et l'ossuaire
Et la carcasse solennelle.

Et les chemins d'ici s'en vont à l'infini
Vers elle.


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Le moulin


Le moulin tourne au fond du soir, très lentement,
Sur un ciel de tristesse et de mélancolie,
Il tourne et tourne, et sa voile, couleur de lie,
Est triste et faible et lourde et lasse, infiniment.

Depuis l'aube, ses bras, comme des bras de plainte,
Se sont tendus et sont tombés ; et les voici
Qui retombent encor, là-bas, dans l'air noirci
Et le silence entier de la nature éteinte.

Un jour souffrant d'hiver sur les hameaux s'endort,
Les nuages sont las de leurs voyages sombres,
Et le long des taillis qui ramassent leurs ombres,
Les ornières s'en vont vers un horizon mort.

Autour d'un vieil étang, quelques huttes de hêtre
Très misérablement sont assises en rond ;
Une lampe de cuivre éclaire leur plafond
Et glisse une lueur aux coins de leur fenêtre.

Et dans la plaine immense, au bord du flot dormeur,
Ces torpides maisons, sous le ciel bas, regardent,
Avec les yeux fendus de leurs vitres hagardes,
Le vieux moulin qui tourne et, las, qui tourne et meurt.


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Le vent

Sur la bruyère longue infiniment,
Voici le vent cornant Novembre ;
Sur la bruyère, infiniment,
Voici le vent
Qui se déchire et se démembre,
En souffles lourds, battant les bourgs ;
Voici le vent,
Le vent sauvage de Novembre.

Aux puits des fermes,
Les seaux de fer et les poulies
Grincent ;
Aux citernes des fermes.
Les seaux et les poulies
Grincent et crient
Toute la mort, dans leurs mélancolies.

Le vent rafle, le long de l'eau,
Les feuilles mortes des bouleaux,
Le vent sauvage de Novembre ;
Le vent mord, dans les branches,
Des nids d'oiseaux ;
Le vent râpe du fer
Et peigne, au loin, les avalanches,
Rageusement du vieil hiver,
Rageusement, le vent,
Le vent sauvage de Novembre.

Dans les étables lamentables,
Les lucarnes rapiécées
Ballottent leurs loques falotes
De vitres et de papier.
- Le vent sauvage de Novembre ! -
Sur sa butte de gazon bistre,
De bas en haut, à travers airs,
De haut en bas, à coups d'éclairs,
Le moulin noir fauche, sinistre,
Le moulin noir fauche le vent,
Le vent,
Le vent sauvage de Novembre.

Les vieux chaumes, à cropetons,
Autour de leurs clochers d'église.
Sont ébranlés sur leurs bâtons ;
Les vieux chaumes et leurs auvents
Claquent au vent,
Au vent sauvage de Novembre.
Les croix du cimetière étroit,
Les bras des morts que sont ces croix,
Tombent, comme un grand vol,
Rabattu noir, contre le sol.

Le vent sauvage de Novembre,
Le vent,
L'avez-vous rencontré le vent,
Au carrefour des trois cents routes,
Criant de froid, soufflant d'ahan,
L'avez-vous rencontré le vent,
Celui des peurs et des déroutes ;
L'avez-vous vu, cette nuit-là,
Quand il jeta la lune à bas,
Et que, n'en pouvant plus,
Tous les villages vermoulus
Criaient, comme des bêtes,
Sous la tempête ?

Sur la bruyère, infiniment,
Voici le vent hurlant,
Voici le vent cornant Novembre.


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LISTE DES POÈMES DE L´AUTEUR : Émile VERHAEREN

5 commentaires:

À 6:18 AM , Anonymous Anonyme a dit...

Coucou, ton blog est trop ! Je viens tous les jours et cela me plait beaucoup!!!
Merci et bonne continuation !


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À 8:28 AM , Blogger hgjtohn a dit...

Vraiment très intéressant. Bonne continuation à vous !

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À 6:23 AM , Blogger Unknown a dit...

Bravo tout simplement. Et encore merci infiniment.


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À 5:05 AM , Blogger rosi a dit...

Grâce à vous, j'ai pu apprendre beaucoup de choses intéressantes. J'espère en apprendre encore.

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À 6:08 AM , Blogger rosi a dit...

Vous ne pouvez pas savoir comme cela fait plaisir de tomber sur un joli et intéressant blog. Cela fait du bien au moral.


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