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François Rabelais
(vers 1483-1553 )

Naissance : entre 1483 et 1494

Décès : 9 avril 1553

Activité : écrivain et médecin

Œuvres principales : Pantagruel, Gargantua


François Rabelais (près de Chinon, Indre-et-Loire, 1493 ou 14941 – Paris, 9 avril 1553) est un médecin et écrivain français de la Renaissance.
Rabelais est l'un des humanistes les plus connus de la Renaissance, qui luttent avec enthousiasme pour renouveler, à la lumière de la pensée antique, l'idéal philosophique et moral de leur temps. Son œuvre est mise à l'Index Librorum Prohibitorum, « Index des livres interdits » par l'Église.

Biographie de Rabelais

Rabelais est né à Chinon. 0n ne sait pas la date précise de sa naissance, qu'on à fixée en 1483, en 1490 et en 1495 La date de 1490, donnée par Guy Patin, est celle qui nous paraît devoir être adoptée de préférence. 1519-1524, L'existence de Rabelais est saisie pour la première fois dans un document contemporain en 1519.Un acte d' achat de la moitié d' une auberge à Fontenay-le-Cômte, par les religieux franciscains du couvent de cette ville, passé le 5 avril de cette année, porte les signatures d' une douzaine de moines et entre autres, celle de François Rabelais. Ainsi le futur auteur Gargantua et de Pantagruel nous apparaît d' abord sous le froc du frère mineur ou du cordelier. Par sa supplique au pape Paul Ill, Rabelais nous apprend, en effet qu' il avait reçu, dans cet ordre,la prêtrise et exercé les fonctions sacerdotales.

Rabelais, pendant q' il était.dans ce couvent, se livra à des grands travaux d' érudition.Il apprit le grec, étudia le droit, acquit des connaissances en histoire naturelle et en médecine et se pourvut enfin de cette science encyclopédique à laquelle prétendaient les docteurs de la Renaissance.

Il y avait là, dans ce monastère de Fontenay -le-Comtë, quelques moines studieux comme Rabelais; 1'un d'eux , Pierre Amy, était en relations avec le.célèbre Helléniste Guillaume Budée. Rabelais, par le moyen de son confrère, entre en correspondance avec ce haut personnage.Deux lettres de Budée, l'une presque entièrement grecque, l'autre grecque et latine lui sont adressées personnellement;et de plus, quand Budée écrit à Pierre Amy, il ne manque pas d'ajouter un mot à l'intention de Rabelais : ''Saluez de ma part votre frère en religion et en science Rabelais,'' ou encore : '' Adieu, et saluez quatre fois en mon nom le savant et gentil Rabelais, ou de vive voix, s'il est près de vous ou par, missive, s'il est absent''.

Les doctes religieux de Saint-Francois avaient, en outre, des amitiés assez considérables, soit dans la ville de Fontenay, soit dans la province.Ils formaient une société étroite avec André Tiraqueau, juge,puis lieutenant au bailliage de Fontenay, avec Aimery Bouchard, président de Saintes, et faisaient cause commune avec les savants que le jeune évêque de Maillezais, Geoffroy d'Estissac, leur voisin se plaisait à réunir autour de lui. Dans ces années de 1520 à 1524, Rabelais sort à nos yeux de l'obscurité qui l'a environné jusqu'alors. Il figure très honorablement dans ce groupe d' érudits. On le cite avec de constants éloges. Une controverse s' élève entre Bouchard et Tiraqueau à propos d'un traité de ce dernier De legibus connubialibus.

L' autorité de Rabelais est plusieurs fois invoquée par ces Jurisconsultes.Tiraqueau cite une traduction du premier livre d'Hérodote que Rabelais avait faite et il parle de lui en ces termes expressifs: « Homme, dit-il, d'une habileté consommée dans les langues latine et grecque et dans toutes les sciences, au delà de ce qu 'on attendrait de son âge et en dehors des habitudes, pour ne point dire des scrupules excessifs de son ordre. »

Ces scrupules excessifs qui régnaient dans l'ordre ne tardèrent pas à susciter des persécutions aux savants cordeliers. L'étude du grec était alors suspecte aux théologiens; elle indiquait une tendance à la rébellion de l'esprit et aux idées de la Réforme. Les supérieurs voulurent sévir contre l'hellénisme de Pierre Amy et de Rabelais. Des perquisitions furent faites dans leurs cellules. Livres et papiers furent confisqués. Les deux religieux se cachèrent et bécrivirent à Guillaume Budée, qui était le protecteur naturel de tous les hellénisants, pour lui demander son appui. Les lettres que ce savant adresse à Pierre Amy et à Rabelais réduisent toute cette affaire à ses véritables proportions. Avant d'avoir eu besoin d'user de son influence en leur faveur,il a appris que l'orage s'est calmé : les persécuteurs ont renoncé à leur entreprise, lorsqu'ils ont été averis qu'ils se mettraient en opposition avec des personnages éminents et avec le roi lui-même. Les livres confisqués ont été restitués à leurs propriétaires et ceux-ci rétablis dans leur tranquille liberté première.

L'évêque de Maillezais avait eu probablement la plus grande part à cette pacification.Il trouva un moyen de soustraire définitivement Rabelais à ces vexations : il obtint du pape Clément VII un indult qui autorisait celui-ci à passer de l'ordre de Saint-François dans l'ordre de Saint Benoit, et du couvent de Fontenay-le-Comte dans l'abbaye de Maillezais.

1524, Rabelais devint alors l'hôte et le commensal habituel de Geoffroy d'Estissac. Il noua de nouvelles et honorables relations, notamment avec Jean Bouchet. Il demeura à Maillezais plusieurs années, puis, rejetant le vêtement monastique et prenant l'habit de prêtre séculier il s' élança à travers le monde, per abrupta seculi.

1525, Rabelais à la recherche d' un refuge propice au travail intellectuel, suit Geoffroy d' Estissac en Périgord et en Poitou. On le retrouve en particulier au prieuré de LIGUGE(ancienne abbaye), où il a travaillé dans une Tour qui aujourdh'ui porte son nom. Rabelais alors moine bénédictin de la cathédrale de Maillezais, vécut quelques temps à Ligugé, d'où il envoya à Jean Bouchet, procureur à Poitiers et historien, une lettre datée ''A Ligugé ce matin de septembre, sixième jour, en ma petite chambre''...... qui est la premère oeuvre connue de l'auteur de Pantagruel.Rabelais conserva de Ligugé un agréable souvenir. En 1536, envoyant à d'Estissac des graines d'Italie, il lui rappela que les salades de Ligugé sont aussi bonnes et plus douces et aimables à l'estomac que celles de Naples.Ecrivant son Gargantua, Rabelais fit boire à son géant du vin de Ligugé, et, au chapitre IV du tiers livre, le juge Perrin Dandin est laboureur et chantre au lutrin de Smarves, village distant de Ligugé de deux kilomètres.Tous les noms de hameaux voisins: Aigue, Croutelle, La Motte, Mezeaux, Toulneroux, se retrouvent dans l'oeuvre célèbre et démontrent que Rabelais dut séjourner assez longtemps à Ligugé pour en connaître aussi bien les alentours.

1530-1531, Il est à Montpellier en 1530. Il se fait inscrire sur les registres de la Faculté de médecine le 16 septembre de cette année, et, le ler novembre suivant, il est promu au grade de bachelier,ce qui prouve qu'il était arrivé en cette ville armé de toutes pièces, et qu'il n'avait qu'à obtenir pour ses ses connaissances acquises la consécration des diplômes officiels. A la fin de cette année et au commencement de l'année suivante, il fait avec beaucoup de succès un cours public sur les Aphorismes d'Hippocrate et sur l'Ars parva de Galien. Pendant son séjour à Montpellier, il prend part, ainsi qu'il nous l'apprend lui-même, à des représentations comiques, et joue, avec quelques compagnons d'études, ''la morale comédie de celuy qui avoit espousé une femme mute (muette)''.

A la fin de 1531 ou au commencement de 1532, il est à Lyon. An mois d'octobre 1532 il est attaché comme médecin à l'Hôtel-Dieu de cette ville à raison de quarante livres par an.Nous le voyons, en cette même année, multiplier tout à coup les publications. Il met au jour une édition des Lettres médicales de Giovanni Manardi, de Ferrare, avec une dédicace latine à André Tiraqueau judici æquissimo apud Pictones. Il édite les Aphorismes d'Hippocrate et l'Ars parva de Galien en un volume in-16. L'épitre dédicatoire est adressé à Geoffroy d'Estissac, évêque de Maillezais.Il fait imprimer une plaquette sous ce titre - Ex reliquiis venerandæ antiquitatis: Lucii Cuspidii testamentum.Iten contractus venditionis, antiquis Romanorum temporibus initus. Il dédie cette publication à Aimery Bouchard, devenu conseiller du roi et maître des requêtes. Rabelais, en présentant ce testament et ce contrat de vente comme des monuments de l'époque romaine, était dupe d' une supercherie; ces textes étaient apocryphes ; Pomponius Loetus et Jovianus Ponltanus les avaint fabriqués.

Au mois de décembre 1532, il écrit la fameuse lettre à Bernard de Salignac à qui il rend des actions de grâces si magnifiques qu'on est embarrassé d'en faire honneur à un personnage inconnu. On serait tenté, en songeant à l' Oratio prima contra Desiderium Erasmum, publiée par Scaliger en 1531 et attribuée par Érasme à Jérôme Aléandre, de voir dans ce Bernard de Salignac quelque pseudonyme ou prête-nom d'Érasme.

1533, En même temps qu'il prend part à de nombreuses publications scientifiques, il produit des ouvrages d'un autre goût qui feront bien davantage pour sa renomrnée et qui immortaliseront son nom. C'est à la fin de l532 que les premiers livres de Gargantua et de Pantagruel paraissent avoir vu le jour. On a une édition du deuxième livre datée de 1533. En examinant bien les titres et les prologues, on se convainc aisément que l'apparition du fameux roman doit être un peu antérieure, et que les éditions princeps des deux premiers livres ne se sont probablement pas encore retrouvées. Le langage de Rabelais, dans le prologue du Gargantua, n'est pas celui d'un auteur jusqu'alors inédit; le prologue du Pantagruel se rapporte bien, selon nous, au premier livre de Gargantua, et non à ces grandes et inestimables Chroniques du géant Gargantua, dans lesquelles M. Brunet a voulu voir un premier essai de Rabelais. Il est certain toutefois qu'il y avait un petit roman populaire qui a servi à Rabelais de point de départ; nul doute que Gargantua n'eût une existence traditionnelle bien avant le rôle éclatant qu'il fut appelé tout à coup à jouer. Les grandes et inestimables Chroniques sont un monument de cette tradition. Le roman rabelaisien attira l'attention sur elles. Rabelais eut-il quelque part aux réimpressions qui furent faites de ces opuscules à la même époque? Rien n'autorise à l'affirmer; l'intérêt des libraires suffit bien à expliquer ces réimpressions.

Rabelais publia encore un almanach pour 1533 et la Pantagrueline prognostication pour cette même année. Cette « Pantagrueline prognostication, par M. Alcofribas, architriclin dudit Pantagruel, » nous prouve que, dès la fin de 1532, le roman de Rabelais était déjà bien connu du public, puisque, si l'histoire de Pantagruel par son architriclin n'eût fait que de paraître, l'auteur n'aurait pas mis en tête d'une brochure ces noms qui eussent été une énigme pour les acheteurs. Dans le courant de cette année 1533, Pantagruel fut censuré par la Sorbonne. On sait par une lettre de Calvin, à la date d'octobre, que la Faculté de théologie avait condamné « ces ouvrages obscènes: Pantagruel, la Forêt d'amours, et d'autres du même billon (obscoenos illos Pantagruelem, Sylvam amorum, et ejus monetæ. »

1534, Premier voyage de Rabelais à Rome, à la suite de Jean du Bellay, évêque de Paris. Ce prélat était chargé par François 1er, de tenter un dernier effort pour empêcher la séparation de l'Angleterre et du Saint-Siège. Venant d'Angleterre, où il avait été conférer avec le roi Henri VIII, il traverse la France, passe à Lyon, où il s'attache Rabelais comme médecin, franchit les Alpes et arrive à Rome la veille de Noël 1533. Il ne réussit pas dans sa mission, malgré le zèle et l'éloquence qu'il y déploya. Ce premier séjour de Rabelais à Rome, qui a prêté à tant de facétieuses anecdotes, comprend les premiers mois de 1534. De retour à Lyon, Rabelais fit paraître, au mois de septembre, la Description de Rome Antique , de Marliani, avec une dédicace a Jean du Bellay. A cette année se rapporte aussi, selon les plus savants bibliographes, la première édition connue du premier livre: la Vie de Gargantua.

1535, Dans les premiers mois de cette année, Rabelais s'étant absenté pour la deuxième fois et ayant quitté son service à l'Hôtel-Dieu sans donner avis ni prendre congé, les conseillers recteurs du grand hôpital délibérèrent, le 23 février, sur la question de lui donner un remplaçant. Plusieurs médecins, maître Charles, maître Canape, maître Du Castel, sollicitent sa place. Ce dernier est appuyé par M. de Montrottier, qui est un des bienfaiteurs de l'hôpital, auquel il donne trois cents livres par an. L'un des conseillers, nommé Pierre Durand, est d'avis qu'il convient d'attendre jusqu'à Pâques, « car il a entendu que ledit Rabellays est à Grenoble et porra revenir. »

Le 5 mars 1535, les conseillers recteurs élisent, à l'unanimité, Pierre Du Castel, docteur médecin, pour le service du grand hôpital du pont du Rhône, « au lieu de maistre François Rabellays, médecin, qui s'est absenté de la ville et dudit hospital sans congé prendre pour la deuxiesme fois. » Les « gages » de Du Castel sont réduits à trente livres tournois, au lieu de quarante livres que touchait Rabelais. Rabelais avait fait pour l'année 1535 un nouvel almanach ; il y prend pour la dernière fois la qualité de « médecin du grand hospital dudict Lyon ».

C'est probablement pendant les deux ans et demi qti'il exerça les fonctions de médecin de l'Hôtel-Dieu que Rabelais fit à Lyon la leçon publique d'anatomie dont il est question dans une des pièces du recueil de poésies latines publiés par Éienne Dolet en 1538, pièce intitulée Cujusdam epitaphium qui exemplo edito strangulatus, publico postea spectalculo Lugduni sectus est, Francisco Rabelæso doctissimo fabricam corporis interptretan.

1536, Le pape Paul III, successeur de Clément VII, avait promu l'évêque de Paris, Jean du Bellay, au cardinalat. Le cardinal vint éablir à Rome sa résidence, et Rabelais l'accompagna de nouveau. Ils s'y trouvaient au mois de novembre 1535, et y demeurèrent jusqu'au mois d'avril 1536. C'est pendant ce deuxième séjour que Rabelais écrivit à Geoffroy d'Estissac les trois lettres datés du 30 déembre, du 28 janvier et du 15 férier. On doit remarquer toutefois que les dates attribués à ces lettres par les frères de Sainte-Marthe, les premiers éiteurs, ne sont pas tout à fait exactes. Ainsi la première lettre, qui n'est datée que par les éiteurs, est du 30 décembre 1535 , et cela est si vrai que Rabelais dit en la terminant: «Je vous envoye aussi un almanach pour l'an qui vient 1536. »La deuxième et la troisième sont bien datés du 28 janvier 1536 et du 15 férier 1536, parce que Rabelais emploie la supputation romaine qui fai t commencer l'année au 1er janvier et non à Pâques. Les événements de l'histoire générale ne laissent pas de doute à cet égard.

Ces événements sont méorables. C'est pendant cette année 1536 que se prépara et qu'eut lieu la grande invasion de la Provence par l'empereur Charles-Quint. Revenu en Sicile après l'expedition de Tunis, l'empereur nouait des alliances, levait des troupes, amassait des sommes d'argent pour sa vaste entreprise. Il entre à Rome le 5 avril 1536 par une large voie triomphale, et, le 8, il prononce dans le consistoire cette fameuse harangue où dans l'exaltation de son orgueil, il dévoile ses projets, vante sa puissance, et insulte pendant deux heures la France et son roi. Charles-Quint, au lendemain de ce discours, songea qu'il avait peut-êre eu tort de se départir de sa dissimulation ordinaire.Il chercha à persuader aux ambassadeurs de France d'atténuer dans leurs dépêches la portée des déclarations qu'il avait faites. Le cardinal du Bellay se douta que le roi ne saurait point par eux l'exacte vérité En rentrant chez lui, il écrivit tout au long la harangue de l'empereur; il avait des moyens mnémotechniques pour retenir les plus longs discours qui étaient prononcés devant lui. Cela fait, il sortit de Rome sous un déguisement, prit la poste, et arriva huit jours aprè à Paris.

Rabelais revint en France soit avec lui, soit peu après. Pendant ce deuxième séjour, Rabelais avait fait réulariser son état. Il avait adressé au Saint-Père une supplicatio pro apostasia. Un bref du pape Paul III, datédu 17 janvier 1536, lui accorde une absolution pleine et entière, l'autorise à reprendre l'habit de Saint-Benoit et à rentrer dans un monastèe de cet ordre où l'on voudra bien le recevoir (nous verrons tout à l'heure que Rabelais avait à ce sujet des vues arrêrés) et lui permet à exercer, confornément aux règles canoniques, l'art de la médecine.

La grande invasion des Impériaux eut lieu à la fois par le nord et par le midi. Le comte de Nassau entra par le nord, prit Guise, assiéea Péonne. Charles-Quint, àla tête de cinquante mille hommes, passa la Sesia le 7 juin, franchit le Var le 25 juillet. Le roi François 1er s'avança à sa rencontre. Le cardinal du Bellay fut, par ordonnance du 21 juillet 1536, nommé lieutenant général du roi et chargé de la défense de Paris, de la Picardie et de la Champagne. Comment il s'acquitta de cette mission, c'est ce que l'histoire nous apprend avec des détails que nous ne pouvons donner ici. Disons seulement qu'il déploya beaucoup d'activité et d'énergie; en huit jours il approvisionna Paris pour un an et slit tenir tête même à la soldatesque révoltée. La double invasion échoua, comme on sait ;Charles-Quint repassa le Var le 5 septembre ; le siège de Péronne avait été levé le 15 du même mois.

On ne sait pas au juste ce que Rabelais devint pendant ces événements. Il resta sans doute attaché à son protecteur. Dè le temps de leur séjour à Rome, l'évêque de Paris lui avait offert un asile dans l'abbaye de Saint-Maur-les-Fossé, dont il éait abbé Cette abbaye de l'ordre de Saint Benoit, àla sollicitation de l'évêque, venait d'être érigée en collégiale, c'est-àdire que les moines étaient devenus chanoines. Cette transformation avait eu lieu avant que Rabelais eû été reçu parmi eux. S'il avait été reçu avant la bulle d'érection, il n'y aurait eu aucune difficulté à craindre ; mais comme il n'avait été reçu qu'après, il paraît qu'on pouvait contester que les termes du bref du 17janvier, l'autorisant à rentrer dans l'ordre de Saint-Benoît, fussent ainsi observés; et, en effet, Rabelais ne figura point à l'installation des nouveaux chanoines qui eut lieu le 17 août 1536. Pour se mettre à l'abri de toute contestation, il adressa une nouvelle supplique au souverain pontife. On ignore quel sort eut cette supplique.

Au commencement de 1537, Rabelais est à Paris, on le sait par une pièce de vers latins d'Étienne Dolet qui, ayant commis un meurtre à Lyon le 31 décembre 1536, vint solliciter sa grâce du roi, l'obtint et à cette occasion réunit dans un festin Budée, Clément Marot, etc.) avec Rabelais, ''l'honneur de la médecine, dit-il, qui peut rappeler les morts des portes du tombeau et les rendre à la lumière.''

Parmi les nombreux témoignages d'estime,adressés vers cette époque à Rabelais, il faut citer celui de Salmon Macrin, secrétaire du cardinal du Bellay. Macrin, originaire de Loudun, publia en 1537) à Lyon, un recueil d'odes. L'une d'elles, en l'honneur de Rabelais, célèbre à la fois son savoir et les grâces piquantes de son esprit. Un autre versificateur, Nicolas Bourbon, nous fait connaître les relations amicales de Rabelais avec Guillaume du Maine, abbé de Beaulieu, précepteur des fils de François 1er, et avec Mellin de Saint-Gelais. Il est certain que Rabelais est en excellents termes avec la plupart des personnages distingués de ce temps.

Nous avons vu Rabelais prendre dans ses publications, dans sa supplique au pape, partout, la qualité de docteur en médecine. Il parait cependant qu'il n'avait pas encore reçu l'investiture officielle de ce grade. Il se rendit à Montpellier où, le 22 mai 1537, il fut promu au doctorat, ainsi qu'il résulte de la mention faite par lui-même sur les registres de la Faculté. Il passa une partie de cette année dans cette ville, où il fit, devant un nombreux auditoire, un cours sur le texte grec des Pronostics d'Hippocrate.

Il y reçoit, entre autres visiteurs, Jean de Boyssonné, professeur à l'université de Toulouse, et Hubert Sussanneau, docteur en médecine et en droit et poète latin. Il y fait, en 1538, une leçon publique d'anatomie pour laquelle il touche un écu d'or. Il est peu probable cependant que sa résidence dans cette ville ait été constante pendant ces deux années 1537-1538. A Lyon, comme dit Simon Macrin, était son habituel retour. C'est peut-être à cette époque que se rattache une lettre du cardinal de Tournon au chancelier Antoine du Bourg (ce chancelier étant mort en 1538, on ne saurait du moins assigner à cette lettre une date plus tardive), dans laquelle le cardinal se plaint des nouvelles que Rabelais fait parvenir à Rome.

'' Monsieur, Je vous envoie une lettre que Rabelezus escrivoit à Rome, par où vous verrez de quelles nouvelles il advertissoit un des plus maulvais paillards qui soit à Rome. Je lui ai fait commandement que il n'eust à bouger de cette ville jusqu'à ce que j'en sceusse votre voulonté. Et s'il n'eust parlé de moi en ladite lettre, et aussy qu'il s'advoue au roy et reyiie de Navarre, je l'eusse faict mettre en prison pour donner exemple à tous ces escripvetirs de nouvelles. Vous m'en manderez ce qu'il vous plaira, remettant à vous d'en faire entendre au roy cc que bon vous en semblera.'' On ne voit pas, cependant, que l'affaire ait eu des suites.

Un événement extra-canonique qu'il est impossible de reculer davantage dans la suite des événements de sa vie, c'est l'existence d'un enfant que Rabelais eut à Lyon, et qui vécut deux années. Les renseignements à ce sujet se trouvent dans les manuscrits du professeur toulousain'Boyssoné. Ce professeur de droit, dont Rabelais parle avec une amitié respectueuse, était en même temps un versificateur latin. Parmi ses poésies, plusieurs pièces font mention d'un enfant nommé Théodule Rabelais, mort à l'âge de deux ans, et les termes dont il se sert ne peuvent laisser aucun doute sur le père de cet enfant. Il ne parait pas, du reste, que la paternité de l'auteur de Gargantua ait eu rien de clandestin. Dans l'épitaphe qu'il compose pour ce jeune enfant, Boyssonné lui fait dire : Moi qui repose sous cette tombe étroite, vivant, j'ai eu des pontifes romains pour serviteurs (Romanos habui pontifices fanulos).

1539-1543, Rabelais entre, toujours en qualité de médecin, au service de Guillaurue du Bellay, seigneur dee Langey, frère du cardinal. Ce personnage avait été établi gouverneur du Piémont en 1537. L 18 décembre 1539, Rabelais passe à Chambéry où cette même année le « vertueux » Boyssonné avait été nommé conseiller, peut-être à la recommandation de son ami. En juillet et octobre 1540,il est à Turin; nous le voyons en correspondance avec G. Pélissier, évêque de Maguelonne, ambassadeur du roi de France à Venise.

Le seigneur de Langey avait beaucoup de maladies et d'infirmités. Il demanda à être relevé de son gouvernement du Piémont, et, ayant obtenu son congé, il revint en France, porté en litière. il mourut au mont de Tarare, entre Lyon et Roanne, le 9 janvier 1543. Rabelais fut présent à sa mort. Le Duchat affirme que Guillaume du Bellay laissa cinquante livres tournois de rente à Rabelais, jusqu'au moment où celui-ci aurait trois cents livres de revenu en bénéfices. Les affaires de ce seigneur étaient dans un état déplorable, à cause des dépenses qu'il avait faites pour adoucir les souffrances d'une famine qui avait sévi en Piémont. Peut-être est-ce pour tenir lieu de cette rente que René du Bellay, évêque du Mans, frère du défunt, conféra à Rabelais la cure de Saint-Christophe-du-Jambet. Il est certain que Rabelais fut titulaire de cette cure, dont il touchait le revenu sans être obligé à résidence.

Rabelais consacra un ouvrage latin à l'histoire des hauts faits de Guillaume du Bellay. Claude Massuau, autre domestique de Guillaume du Bellay, le traduisit en français sous ce titre : « Stratagérnes, c'est-à-dire prouesses et ruses de guerre du preux et très Célèbre Chevalier Langey, au commencement de la tierce guerre césariane. » L'original et la traduction sont perdus.

1543-1546, Cependant les éditions du Gargantua et du Pantagruel se succédaient avec une vogue inépuisable. En 1542, Rabelais donna, des deux premiers livres, une édition où il avait légèrement atténué ses hardiesses. En 1546, il mit au jour le troisième livre avec un privilège du roi François ler, non plus sous le pseudonyme d'Alcofribas Nasier, mais sous son nom. L'année suivante, 1547, parurent à Grenoble les premiers chapitres du quatrième livre.

1546-1550, Depuis longtemps déjà le roi François 1er, en qui Rabelais avait trouvé un protecteur, était gravement malade; on prévoyait sa mort prochaine. En quelles mains passerait alors le pouvoir? Les principaux protecteurs de Rabelais allaient sans doute perdre leur crédit. Rabelais n'attendit pas la crise. Il semble qu'il se soit d'assez loin prémuni contre elle. Il quitta la France et se réfugia à Metz. A quel moment? On ne le peut dire avec précision. Mais il parait prouvé que ce fut plus d'une année avant la mort du roi. Il résulte des recherches des érudits lorrains que Rabelais aurait passé à Metz l'année 1546 tout entière. Les comptes de la ville pour cette époque ont disparu ; mais il en subsiste un extrait par Paul Ferry (Observations séculaires), et dans cet extrait on lit ces lignes : « 1547. Payé à Mr Rabellet p. ses gages d'un an, c'est à sçavoir à la Saint-Remy 60 livres; à Paques darien 60 livres ; comme plus con lui ont (sic) p. le quart d'an de Saint-Jean 30 livres. »

Ainsi, Rabelais fut médecin salarié de la ville de Metz, aux gages de 120 livres par an; il toucha le semestre de Pâques 1546 à la Saint-Remi, ler octobre, le semestre du Ier octobre 1546 à Pâques 1547, plus un demi-semestre de Pâques à la Saint-Jean (24 juin). Il eut congé à cette dernière date, 24 juin 1547.

La lettre de Rabelais au cardinal du Bellay, datée de Metz, où il implore en termes si pressants les secours du cardinal, est-elle du 6 février 1547, comme on le croit généralement? Tout fait supposer que cette lettre est plutôt du 6 février 1546, les appointements assez élevés que Rabelais touchait en 1547 ne justifiant plus de tels cris de détresse. Il faut, en ce cas, assigner également à cette année, au 28 mars 1546 (nouveau style), la lettre de Jean Sturm, recteur du Gymnase de Strasbourg, au même cardinal du Bellay. On trouve dans cette lettre un passage indiquant l' importance des gains de Rabelais.

On a vu pourquoi le fugitif s'était arrêté à Metz, c'est qu'il y avait trouvé des fonctions qui le mettaient à l'abri du besoin.

François 1er mourut le 31 mars 1547. Le cardinal du Bellay, forcé de se démettre de ses charges politiques, se rendit à Rome. Rabelais l'y suivit. Rabelais était pour la troisième fois à Rome au mois de février à l'époque de la naissance de Louis d'Orléans, deuxième fils de Henri II et de Catherine de Médicis. Il écrivit au cardinal de Guise (depuis cardinal de Lorraine), sous le titre de Sciomachie, la description des fêtes célébrées à cette occasion par le cardinal du Bellay et par l'ambassadeur de France d'Urfé. Cette description fut imprimée à l,yon, chez Sébastien Gryphe.

La même année, parut à Paris une violente attaque dirigée contre Rabelais ; elle eut lieu dans un pamphlet en forme de dialogue contre les mauvais livres, intitulé Theotimus sive de tollendis et expurgandis malis libris, iis præcipue quos vix incolumi fide ac pietate plerique legere queant. Cette publication était l'ouvre de Gabriel de Puits-Herbaut,moine de Fontevrault. La sortie de Puits-Herbaut n'est pas moins violente contre l'homme que contre ses ouvrages. On y voit apparaître pour la première fois, dans un document contemporain, le Rabelais biberon, glouton, cynique, que les biographes, confondant la vie de l'auteur avec les inventions de son livre, ont représenté par la suite.

L'agression de Puits-Herbaut n'eut aucun effet. Rabelais ne tarda pas à se faire d'aussi solides appuis sous le nouveau règne que sous le règne précédent. L' influence à la cour de France, sous Henri II , appartenait aux Guises, au connétable de Montmorency, à ses cinq fils et à ses trois neveux les Chatillons. Nous venons de voir, à propos de la Sciomachie, Rabelais en correspondance avec le cardinal de Guise. Nous allons le voir tout particulièrement soutenu par l'ainé des Châtillons, le cardinal Odet, évêque-comte de Beauvais.

Il rentre en France « hors de toute intimidation », et obtient pour ses ouvrages un privilège de Henri II, comme il en avait obtenu un de François Ier.

1550-1552, Par provisions du 18 janvier 1550, Rabelais fut nommé à la cure de Meudon. On peut remarquer comme coïncidence significative, que la terre de Meudon avait été récemment achetée par le duc de Guise à la duchesse d'Estampes. Rabelais ne fut curé de Meudon que l'espace de deux ans moins quelques jours. Il n'est pas sûr qu'il ait rempli jamais les fonctions curiales. Le nouvel évêque de Paris, Eustache du Bellav, faisant sa première visite pastorale, au mois de juin I551, est reçu à Meudon par Pierre Richard, vicaire, et quatre autres prêtres; il n'est pas question de Rabelais. En tout cas, il est évident qu' il ne put laisser dans le pays ces profondes traces, ces souvenirs vivaces qu'auraient retrouvés cent ans plus tard les Antoine Leroy, les Bernier, les Colletet. La légende du curé de Meudon s'est formée après coup.

Il résigna ses deux cures, celle de Saint-Christophe-de-Jambet au diocèse du Mans et celle de Saint-Martin-de-Meudon au diocèse de Paris, le 9 janvier 1552. Selon toute apparence, cette double démission fut motivée par la publication très prochaine du quatrième livre complet. Ce quatrième livre fut achevé d'imprimer le 28 janvier 1552. Il parut tvec le privilège du roi et une épitre de l'auteur au cardinal de Châtillon.

La Faculté de théologie s'en émut aussitôt et le censura. Un arrêt du parlement, en date du mars 1551, en suspendit la vente. ''Attendu la censure faicte par la Faculté de théologie contre certain livre maulvais exposé en vente soubz le titre de Quatrièsme livre de Pantagruel, avec privilége du roi.... la cour ordonne que le libraire sera promptement mandé en icelle, et lui seront faictes defenses de vendre et exposer ledict livre dedans quinzaine: pendant lequel temps ordonne la cour au procureur du roi d'adverir ledict seigneur roi de la censure faicte sur ledict livre par ladicte Faculté de théologie, et lui en envoyer un double pour suyvre son bon plaisir.''

Mandé devant la cour, le libraire Michel Fezandat reçut défense, sous peine de punition corporelle, de vendre l'ouvrage dedans quinzaine. Après ces quinze jours la vente reprit-elle son cours? On est tenté de croire que la suspension dura plus longtemps, si l'on remarque que Henri Il était tout entier alors à son etitreprise contre Metz et les provinces austrasiennes. Il laissa la régence à Catherine le 10 mars, rejoignit l'armée à Chàlons, et victorieux entra dans Metz le 18 avril. Dans cet intervalle, Rabelais fit, au moyen d'un nouveau tirage du prologue, la modification suivante en l'honneur du roi. Le premier tirage portait: « N'est-il pas écrit et pratiqué par les anciennes coustumes de ce tant noble, tant florissant, tant riche et triurnphant royaume de France ?... » Et un peu plus loin : « Le bon André Tiraqueau, conseiller du roy Henri le second. Dans le second tirage, on a supprimé le mot triomphant devant royaume de France et fait précéder le nom du roy Henri le second des épithètes grand, Victorieux et triomphant.

Quoi qu'il en soit, les protecteurs de Rabelais l'emportèrent, et le bon plaisir du roi fait que la vente de l'ouvrage pût reprendre son cours interrompu.

1553, L'époque de la mort de Rabelais, incertaine comme celle de sa naissance, est fixée communément à cette date de 1553. Outre que dès ce moment un profond silence se fait sur l'auteur de Gargantua et de Pantagruel, quelques indications viennent confirmer l'opinion commune. Théodore de Bèze, dans son Epistola Passavantii, mentionne Rabelais en ces termes: « Pentagruel cum suo libro quem fecit imprimere per favorem cardinalium qui amant vivere sicut ille loquebatur-. » Ces mots ,sicut ille loquebatur (comme il parlait) semblent témoigner que Rabelais n'existait plus. Or l'Epistola Passavantii est généralement attribuée à l'année 1553. M. Rathery a signalé un autre document : parmi les personnages d'une satire en forme de dialogue des morts, composée en 1555, figure Rabelais, qu'on représente comme descendu depuis quelque temps déjà aux sombres bords. Son habileté dans l'art de la médecine y est célébrée, et l'auteur ajoute : ''Je sais en quels termes honorables n'a cessé de s'exprimer sur ton compte ce grand cardinal qui t'aimait tant et ne t'admirait pas moins.''

L'obscurité la plus complète règne sur les circonstances de cette mort. Les faiseurs d'anecdotes se sont emparés des derniers moments de celui que Bacon appelait « le grand railleur, the great jester of France ». Ils ont mis en circulation de nombreuses facéties auxquelles on ne peut ajouter foi mais qui, évidemment se propagèrent de très bonne heure et presque en même temps que le bruit de ce trépas. Jacques Tahureau, poète et conteur, mort dans le Maine en 1555, semble y faire quelque allusion dans l'épitaphe suivante qui fait partie de ses oeuvres.

Sa vie

Jeunesse et formation:

Fils d'un riche avocat, le baron de Lerné, François Rabelais naît à La Devinière, près de Chinon, en Touraine. Un goût immodéré pour les études le conduit en 1510 à faire son noviciat chez les franciscains de la Beaumette, près d'Angers. Durant ses années de claustration, il fait la connaissance de Pierre Amy et d'André Tiraqueau, qui l'initient à l'hellénisme, correspond avec l'humaniste Guillaume Budé et entreprend une traduction d'Hérodote. En 1523, conformément aux directives de la Sorbonne qui interdisent la lecture des livres grecs, il se voit retirer les moyens qui lui avaient été accordés pour ses études et qu'il n'avait pu se procurer qu'avec peine. Pour se soustraire aux rigueurs de la règle, il rejoint l'ordre des bénédictins en 1524.
Poursuivant ses lectures, il se lance dans l'étude du droit, qu'il abandonne cependant assez vite pour s'inscrire à l'université de médecine de Montpellier. Il quitte alors l'habit monastique pour celui de prêtre séculier, a deux enfants puis, après avoir été reçu bachelier en 1530, entre comme médecin à l'hôtel-Dieu de Lyon en 1532.

Œuvre:

La même année, il traduit en latin des textes d'Hippocrate et de Galien, publie un ouvrage consacré au droit romain, et, surtout, fait paraître les Horribles et Espovantables Faictz et Prouesses du tresrenomme Pantagruel, roy des Dipsodes, fils du grant géant Gargantua, chronique joyeuse et truculente de la vie d'un géant insatiable, qu'il signe d'une anagramme de son nom et de son prénom: Alcofrybas Nasier. Le succès de cet ouvrage n'empêche pas sa condamnation par la Sorbonne. Pour échapper aux conséquences de cette censure, il se met sous la protection de son ancien évêque, Geoffroy d'Estissac (1533), puis récidive, vraisemblablement deux ans plus tard (1535), en publiant, sous le même pseudonyme, la Vie inestimable du grand Gargantua, père de Pantagruel. L'ouvrage est lui aussi condamné. Il quitte alors la France et accompagne en Italie le cardinal Jean Du Bellay, en qualité de médecin particulier. De retour à Lyon, il édite la Topographie de l'ancienne Rome de Marliani, puis le Tiers Livre des faictz et dictz héroïques du bon Pantagruel qui, après avoir reçu l'approbation de François Ier, est publié en 1546.

Deux ans plus tard paraissent les onze premiers chapitres du Quart Livre, dont la fin ne sera portée à la connaissance du public qu'en 1552, soit un an avant la mort de Rabelais. Enfin, en 1562, paraît, sous le titre de l'Isle sonnante, une partie du Cinquième Livre de Pantagruel, dont l'ensemble sera publié en 1564. Cette tardive conclusion de la geste de Pantagruel n'est probablement pas de la main de Rabelais.

Analyse de l'œuvre:

Inspiré des romans de chevalerie, tels les Amadis de Gaule, très en vogue à l'époque, Pantagruel présente successivement les « enfances », puis les extraordinaires « prouesses » du héros . L'idée de mettre en scène un personnage de géant, plongeant d'emblée le lecteur dans l'imaginaire, semble provenir, quant à elle, d'un roman anonyme, les Grandes et Inestimables Cronicques du grand et énorme géant Gargantua, publié à Lyon alors que Rabelais y était médecin. Toutefois, plus que des modèles, il semble que ces récits tiennent surtout lieu de prétextes à l'auteur. En effet, délibérément inscrit dans la droite ligne des « histoires à rire », il est possible de voir d'abord dans Pantagruel une suite d'épisodes cocasses, dont l'aspect humoristique vise à mieux servir les principes de l'humanisme qui y sont développés. En témoigne la lettre de Gargantua à Pantagruel, qui est un véritable programme pédagogique, où se trouve diagnostiquée toute la crise de la société et de la civilisation du XVIe siècle. Pour autant, cette œuvre ne se veut pas didactique. Résolument antidogmatique, ne faisant cas ni de la logique ni de la vraisemblance , elle affiche au contraire une constante liberté, qui tourne parfois à la désinvolture, façon de stigmatiser, dans le sillage d'Erasme, cet « amour de soi » qui interdit a priori toute « connaissance de soi ». Le symbolisme rabelaisien débouche ainsi tout naturellement sur l'utopie .

Gargantua développe en effet le célèbre thème de la société idéale de l'abbaye de Thélème: « Fais ce que voudras. » L'homme, bon par nature, y est invité à régler librement une vie à sa mesure, aidé en cela par la culture humaniste, dont l'optimisme est la règle de base. Plus explicitement que dans Pantagruel se précise ici la dimension sérieuse de l'œuvre, que le lecteur doit aller chercher au-delà du ton comique de la chronique gigantale. Le Prologue de Gargantua invite le lecteur à approfondir le sens du récit, à « rompre l'os » pour aller sucer la « substantifique moelle ». Il va de soi que cette invitation doit être considérée avec nuance, comme l'indique le ton sur lequel Rabelais s'adresse à ceux qui le lisent: ces « Buveurs très illustres », ces « Vérolés très précieux ». Ainsi l'œuvre est-elle à prendre comme le « silène » (petite boîte peinte d'un sujet comique et contenant de précieuses drogues médicinales) qui lui sert d'emblème. Quant à la gaieté du texte, elle se justifie avant tout « pour ce que rire est le propre de l'homme », et parce que, fondamentalement, toute plaisanterie est signifiante: Rabelais lui-même nous convie à superposer à la lecture comique une lecture symbolique, sans qu'aucune des deux doive nuire à l'autre. Le Tiers Livre, publié sous le nom de Rabelais, contrairement à Gargantua et à Pantagruel, reprend les mêmes personnages, mais accorde le premier rôle au moine Panurge. Réflexion sur les dettes et sur le mariage, ce livre est certainement plus inspiré que les précédents par l'actualité de l'époque, et notamment par la querelle des Femmes. Reste que le « sondage » effectué par Panurge, sous l'œil amusé de Pantagruel, pour savoir s'il faut se marier ou non est une satire de la quête de la vérité pour elle-même, opposée à l'idéal stoïcien valorisant la paix, la joie, la santé et les plaisirs corporels. La décision de poser la question à l'oracle de la Dive-bouteille servira de prétexte au Quart et au Cinquième Livres pour évoquer de nouvelles questions d'actualité. En effet, dans le Quart Livre, Rabelais prend clairement position contre les gens de justice et surtout contre le pape, avec lequel Henri II était alors en conflit. Le livre sera censuré par les théologiens de la Sorbonne en 1552. Enfin, le Cinquième Livre se termine par la parole de l'oracle que Panurge était venu chercher: « Trinch » (c'est-à-dire « buvez »), qui, pour toute réponse, l'incite au plaisir du bon vin qui a la faculté d'« emplir l'âme de toute vérité, tout savoir et toute philosophie ». En bon disciple d'Erasme, Rabelais n'a pas hésité à mettre à contribution toutes les langues et tous les dialectes dans une œuvre où se mêlent culture populaire et culture savante, réalisme, philosophie, allégorie, divertissement et matière à réflexion profonde. Les chroniques rabelaisiennes sont aussi une formidable symphonie verbale polysémantique, où le créateur se livre à un véritable jeu sur les mots, qui excède de beaucoup la simple nécessité de l'expression.

Œuvres principales :

Pantagruel (1532).
Gargantua (1534).
Tiers Livre (1546).
Quart Livre (1552).
Cinquième Livre (posthume,1564).

Pantagruel

Résumé de Pantagruel :

Dans le prologue, Rabelais fait explicitement allusion à un roman d’aventures, commençant par exposer toute la généalogie de Pantagruel qu’il rattache à une race de géants nés après le meurtre d’Abel par Caïn. Puis Rabelais raconte comment Gargantua à l’âge de « Quatre cent quatre vingt quarante et quarante ans » eut de sa femme Badebec un garçon d’une taille extraordinaire, né au cours d’une terrible sécheresse, circonstance qui le destinait à devenir les roi des Dipsodes (les Altérés). Mais Badebec meurt à la naissance de l’enfant. Dès sa petite enfance, Pantagruel donne des preuves de sa force et de son appétit extraordinaire. Il va à l’université de Poitiers, mais il n’y reste pas, désireux de visiter les autres universités de France. Finalement, il gagne Paris, où sa taille stupéfie et effraie les habitants.

Plusieurs traits de Pantagruel se retrouvent dans Gargantua. L’œuvre de Rabelais cache une philosophie et l’on admire une fois de plus l’ampleur et la diversité de la culture et de l’imagination de Rabelais. Il continue à afficher sa liberté de conteur avec tant de verve. C’est le plus éblouissant des conteurs français de la Renaissance, un magicien du mot. Inventeur d’une nouvelle alchimie du verbe, son style ose introduire dans la prose écrite les cadences et les sonorités de la langue orale. Grâce à cela, Rabelais trouve un nouveau ton.

Le jeune Pantagruel , pour parfaire son éducation, fréquente plusieurs universités de province essentiellement pour observer les moeurs des étudiants. Ce tour de France universitaire est d'ailleurs une parodie des aventures des chevaliers au cours de leur apprentissage.

Sur la route qui mène au château de Vincennes, Pantagruel, se promenant rencontre un jeune homme bien mal en point , il se nomme Panurge et s'exprime successivement en allemand, en un jargon imaginaire, en italien, en écossais, en basque, en un jargon imaginaire, en hollandais, en espagnol, en danois, en hébreu, en grec, en un langage imaginaire , en latin pour finie en français , sa langue maternelle.Ebloui par son esprit et son éloquence , Pantagruel l'héberge et en fait son ami(chp 9) .
Reconnu et admiré pour l'étendu de son savoir, Pantagruel est appelé pour juger une affaire complexe entre deux seigneurs (c'est l'occasion pour Rabelais d'exposer l'idéal des humanistes en matière de lois). Après les plaidoiries stupides des deux parties, Pantagruel rend une sentence qui laisse l'auditoire ''en extase évanoui bien trois heures''. (chp 10 à 13)
Les chapitres suivants sont consacrés à Panurge , à ses exploits et à ses joyeux propos (chp 14,15)

Thaumaste, savant anglais, défie Pantagruel: il lui propose une controverse publique par signes sans recourir à la parole.

Panurge remplace¨Pantagruel et remporte le débat.
L'anglais dresse l'éloge des deux amis puis tout le monde est invité à boire.
Pour se venger d'une dame dédaigneuse dont il est amoureux, Panurge la fait poursuivre par une meute composée de six cent mille et quatorze chiens.(chp 18 à 22).
Pantagruel apprend alors que son père Gargantua a été enlevé par la fée Morgane. Le peuple voisin, les Dipsodes ( les Assoiffés), en ont profité pour envahir Utopie et assiéger Amaurotes.
Le jeune prince décide de retourner chez lui pour défendre son pays .Il s'embarque à Honfleur, avec ses compagnons et prend la mer malgré une énigmatique lettre d'amour envoyée par une ''dame de Paris''.(chp 23 et 24 qui multiplient les parodies)
Une fois sur ses terres , Pantagruel remporte ses premières victoires (chp. 25 à 28) et doit affronter en combat singulier le géant Loup Garou.(début du chp 29)

Pantagruel entre triomphalement dans Amaurote .Il décide sans attendre d'envahir Dipsodie. Panurge, lui, s'occupe du roi Anarche auquel il donne un métier : celui de ''crieur de sauce verte'' et qu'il marie à ''une vieille lanternière''. (cpt 31)

En Dipsodie, seuls les Almyrodes (les ''salés'') résistent. Surpris par une averse , les gens de Gargantua et Alcofribas lui-même se réfugient dans la bouche du géant.

Ce chapitre propose une réflexion sur la relativité des coutumes et des habitudes de vie et de pensée; leçon d'humanité qui annonce les opinions de Montaigne.
L'avant dernier chapitre montre Pantagruel malade, il avale de grosses pilules contenant chacune un homme chargé de nettoyer son estomac (chp 33). L'auteur s'adresse à ses lecteurs et leur promet une suite à l'occasion des prochaines foires de Francfort. (chp 34)

Gargantua

Résumé de Gargantua:

Gargantua est le héros du second livre éponyme de François Rabelais publié en 1534. Ce roman fait suite au succès du premier livre de l'auteur, Pantagruel (1532). En proie à la censure de la Sorbonne, il publie ces deux œuvres sous le pseudonyme d'Alcofribas Nasier (anagramme de François Rabelais).

Titre complet du roman : La vie très horrifique du grand Gargantua, père de Pantagruel.

Pour écrire ce livre, Rabelais se serait selon toute vraisemblance inspiré du géant Gargan des légendes celtiques.

L'histoire:

Dans le prologue, Rabelais s’adresse au lecteur pour lui signifier, de façon imagée, qu’il ne faut pas se fier à l’aspect extérieur du livre, et lui recommande de le lire attentivement car il révèle une pensée sérieuse au-delà des plaisanteries.

L'enfance et éducation de Gargantua

Jean Audeau, un simple agriculteur découvre par accident dans un énorme tumulus un petit livret qui contient la généalogie des géants d’autrefois. Grandgousier, le père de Gargantua adore manger. Il épouse Gargamelle, fille du roi des Papillons. De leur union naît Gargantua qu’elle porte pendant onze mois. Selon Rabelais, de la durée d’une grossesse dépend la perfection du nouveau-né : plus la grossesse dure longtemps, plus le nouveau-né sera un « chef d’œuvre ». Gargamelle, enceinte de Gargantua, fait abattre des centaines de milliers de bœufs pour mardi-gras, et elle invite des amis pour ce repas trop imposant pour elle. Malgré son état et les remontrances de son mari, Gargamelle ne peut résister aux tripes et au vin. Ils dansent, chantent, commencent à se disputer. Ivres, ils tiennent des propos incohérents. Pendant la beuverie, Gargamelle ressent des contractions et met au monde de manière insolite Gargantua. Il sort de l’oreille de sa mère et réclame aussitôt à boire.

Son père, en découvrant l’enfant, s’écrie : « Quel grand (gosier) tu as » Et l’enfant est appelé alors Gargantua. Pour l’allaiter, il faut le lait de milliers de vaches. Enfin, pour le calmer, on lui donne à boire. Gargantua est habillé de blanc et de bleu, les deux couleurs du blason de son père. Ses habits sont immenses, comme ses chaussures, sa ceinture, son épée…

Le blanc symbolise la joie, le plaisir, les délices et les réjouissances. Le bleu symbolise les choses célestes. C’est Grandgousier qui a choisi ces couleurs. Rabelais polémique sur les couleurs que porte Gargantua. Rabelais fait l’historique de la symbolique des couleurs depuis les temps antiques. Il déclare que le blanc signifie la victoire, la gaieté et la vie, par opposition au noir, symbolisant la tristesse et le deuil. Chaque couleur symbolise des émotions qu’une autre couleur contredit.

Puis l'enfance de Gargantua est évoquée. De trois à cinq ans, ses parents ne lui imposent pas de limites : il boit, mange, dort, court après les papillons et se roule dans les ordures selon son bon plaisir. Il a le même état d’esprit que les autres enfants. Gargantua se voit offrir un cheval de bois pour qu’il devienne un bon cavalier. Il se passionne pour l'équitation, au point de créer lui-même ses propres chevaux de bois. Des amis de son père se rendent chez Grandgousier et Gargantua pour leur faire une farce. Grandgousier rentre victorieux et retrouve son fils. Pendant son absence, Gargantua a inventé un torchecul d’oison et devant l’intelligence de son fils, Grandgousier décide de lui faire apprendre les lettres latines par un théologien réputé, Thubal Holoferne. Ce dernier lui fait apprendre et réciter par cœur, à l’endroit et à l’envers, d’après les méthodes moyenâgeuses, les lettres gothiques.

Son père s’aperçoit alors que Gargantua s’abrutit et radote. Grandgousier décide à la mort de Thubal Holoferne de lui donner un nouveau professeur. Remarquant le manque de progrès, Grandgousier se plaint à l’un de ses amis qui lui recommande Ponocrates. Pour preuve de son talent, il lui amène un des disciples qui lui parle avec une telle aisance que Grandgousier souhaite le même pédagogue pour son fils. Ponocrates devient alors le maître de Gargantua. Grandgousier reçoit en cadeau du roi de Numidie une énorme jument, richement harnachée. Grâce à cette offrande Gargantua peut partir pour Paris, et y suivre les leçons du célèbre précepteur, Ponocrates. Sur la route, la jument chasse les taons et les mouches de sa queue avec une telle force qu’elle rase toute la forêt de Beauce. Gargantua arrive enfin à Paris.

Gargantua visite la cité de Paris et fait l’objet de la curiosité des parisiens. Pensant qu’ils attendent un cadeau de bienvenue, Gargantua leur urine dessus, en gage de bonne volonté, et noie la plupart des habitants. Puis, il emporte les cloches de Notre-Dame pour les accrocher au cou de sa jument. Le doyen des rescapés est envoyé par la Sorbonne pour tenter de le convaincre de rendre les cloches à la ville. Janotus de Braquemardo, le messager de la Sorbonne, se présente au logis de Gargantua et argumente de façon complexe en prenant compte les sujets d’intérêts de Gargantua : le vin, les récompenses… Ce dernier prend conseil au près de son précepteur. Puis Maître Janotus de Braquemardo s’agenouille et supplie Gargantua pour récupérer les cloches : « Rendez à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu ». Ils éclatent alors de rire. Gargantua lui offre des cadeaux. Janotus retrouve les maîtres de la Sorbonne mais ces derniers refusent de le payer. Janotus leur entame aussitôt procès sur procès. Finalement les cloches sont remises en l'état et les Parisiens, pour remercier Gargantua, soignent et nourrissent sa jument.

La méthode de travail de Ponocrates consiste d’abord à observer Gargantua, et à ne pas intervenir. Après ses observations Ponocrates lui impose un nouvel emploi du temps et pour lui faire oublier ses anciennes leçons, il lui fait boire une potion qui nettoie le cerveau de Gargantua. Les Saintes-Écritures sont désormais la base du savoir de Gargantua. L’exercice physique et l’hygiène sont désormais importants dans son apprentissage. Le maître lui apprend le métier des armes et développe son esprit critique. Quand le temps n’est pas propice aux exercices, il apprend l’art, la métallurgie, l’artisanat, la rhétorique, l’escrime, l’herboristerie… De temps en temps, il quitte la ville pour s’amuser et chasser. Ponocrates fait de Gargantua un érudit.

La guerre picrocholine

Pendant la saison des vendanges, les bergers du terroir de Grangousier gardent les vignes. Des vendeurs de fouaces passent à proximité. Par gourmandise, les bergers leur proposent alors d’échanger des raisins contre des fouaces. Vexé par cette proposition, l’un des fouaciers frappe un berger mais celui-ci assomme son agresseur et appelle ses amis à la rescousse. Les bergers chassent les fouaciers à coups de pierres, croyant finalement que c’étaient des meurtriers. Les fouaciers se rendent aussitôt chez leur roi qui réplique immédiatement en mobilisant troupes et matériels. L’armée se met en route, pille et saccage la campagne de Grandgousier… L’abbaye de Seuillé, protégée par ses fortes murailles, résiste. Les moines s’enferment dans l’église et prient tandis que leurs ennemis volent les vendanges. Alors frère Jean, moine téméraire, s’enhardit et frappe si fort les pillards avec son bâton qu’il les tue. Malgré la peste, les soldats pillent tout. Picrochole, roi de Lerne, quitte alors le domaine de l’abbaye pendant la nuit et se rend dans un château pour s’y barricader solidement. Grandgousier apprend la conduite de frère Jean et de Picrochole, mais il veut à tout prix préserver la paix. Il décide de rappeler Gargantua et d’envoyer un messager à Picrochole.

Grandgousier écrit à Gargantua une lettre dans laquelle il déclare avoir tout accordé à Picrochole pour sauver la paix. Il affirme aussi sa volonté de défendre ses terres de la folie guerrière de Picrochole et demande à Gargantua de venir lui prêter assistance. Grandgousier envoie un messager à Picrochole, Ulrich Gallet, pour lui intimer ses conditions. Ce dernier se rend alors au château de Picrochole.

Ulrich rapporte à Picrochole la surprise, la colère de Grandgousier qui lui demande les raisons de cette amitié trahie et de la guerre. Il lui intime aussi de retourner sur ses terres, de le dédommager et de lui laisser des otages. Picrochole refuse. Au retour d’Ulrich, Grandgousier, pour éviter une nouvelle fois la guerre, fait envoyer à Picrochole des richesses en remboursement des fouaces, cause des hostilités. Picrochole y voit un aveu de faiblesse et saisit toutes les richesses que lui a envoyées Grandgousier, sans mettre fin aux hostilités. Pendant ce temps, les aides de camp de Picrochole dressent le plan de bataille. Ils rêvent qu’après avoir soumis facilement Grandgousier, ils conquériront l’ensemble du monde.

Gargantua quitte Paris et se rend chez son père. Partis en reconnaissance, Gymnaste et son compagnon tombent sur des pillards. Ces derniers veulent les détrousser, mais Gymnaste prétend être possédé. Leur chef, Tripet, hésite à voler le cheval de Gymnaste. Comme Tripet l’appelle le « bon diable », pour les effrayer encore plus, Gymnaste fait des pirouettes et des cabrioles sur son cheval. Les soldats prennent peur et s’enfuient. Pour finir, Gymnaste charge et tue Tripet. Cet incident apporte à Gargantua de nombreuses informations sur le manque de préparation militaire des ennemis. Sa jument fait déborder la rivière en urinant et les ennemis en aval sont noyés. Puis, il rase d’un seul coup le château de Gué de Vède. Enfin, avec ses compagnons il passe le gué.

Ils arrivent chez Grandgousier, qui les attendait avec impatience. En se peignant Gargantua fait tomber de ses cheveux des boulets de canon. Il ne s’était même pas aperçu que, pendant l’attaque du château de Vède, les défenseurs lui avaient tiré dessus. Grandgousier décide d’organiser un immense festin pour le retour de son fils. Gargantua a envie de salade ; il cueille les laitues réputées les plus grandes dans un jardin et emporte inopinément six pèlerins qui s’y étaient abrités pour la nuit. Il avale sa salade et les pèlerins. Ceux-ci ne doivent leur survie qu’au fait que s’accrochant aux dents du géant et que malencontreusement en tâtant autour d’eux avec leur bâton, ils touchent un point sensible. Gargantua, muni d’un cure-dent, les retire de sa bouche les uns après les autres.

Pendant le souper, Grandgousier explique à Gargantua les raisons des hostilités contre Picrochole. Il lui raconte le courage de frère Jean. Gargantua ordonne de le faire venir. Ces derniers s’apprécient aussitôt et ils se mettent à boire. Ivres, ils divaguent en propos incohérents. Au cours du repas, Eudémon, un des compagnons de Gargantua, s’étonne que les moines soient rejetés du monde. Gargantua lui expose qu’ils ne travaillent pas de leurs mains, qu’ils dérangent les mortels, et qu’ils vivent des péchés des hommes. Gymnase s’interroge sur le fait que les clercs aient de si longs nez. Frère Jean lui raconte que sa nourrice avait les seins mous et que son nez s’y s’enfonçait comme dans du beurre et qu’il grandissait comme la pâte avec du levain.

Après le repas, Gargantua et ses compagnons décident d’attaquer à minuit les troupes de Picrochole. Gargantua n’arrive pas à s’endormir. Alors frère Jean lui conseille de prier Dieu et au premier psaume, ils s’endorment tous les deux. A minuit, le moine, habitué au rythme des matines, s’éveille en sursaut et réveille tous ses compagnons d’armes. Puis il décrète que chaque matin, il se purgera avec du vin. Tous se préparent alors, à passer à l’attaque. Le moine encourage ses compagnons d’armes mais surestime ses capacités guerrières. Vitupérant contre l’ennemi, il passe sous un noyer et y reste accroché. Eudémon grimpe dans l’arbre et décroche le moine. Frère Jean abandonne son équipement guerrier et ne garde que son bâton.

Après avoir eu connaissance de la déroute de Tripet, et croyant que Gargantua est réellement accompagné de démons, Picrochole envoie une avant-garde qu’il a fait asperger d’eau bénite. Gargantua et l’avant-garde se rencontrent. Les soldats ennemis, terrorisés par frère Jean qui crie « par tous les diables, » s’enfuient sauf leur chef, Tyravant, qui charge tête baissée. Frère Jean l’assomme puis, seul, poursuit l’armée en déroute. Gargantua décide de ne pas charger. Mais finalement, frère Jean est fait prisonnier et l’avant-garde contre attaque. Gargantua reprend le dessus de la bataille. Entre temps, le moine tue ses deux gardiens et fond sur les arrières de l’armée ennemie en pleine confusion. Il fait prisonnier Toucquedillon, l’aide de camp de Picrochole.

Gargantua est très malheureux pour son ami qu’il pense toujours prisonnier. Soudain, ce dernier apparaît avec Toucquedillon et cinq pèlerins que Picrochole gardait en otages. Ils festoient. Gargantua questionne les pèlerins et leur offre des chevaux pour rentrer chez eux. Toucquedillon est présenté à Grandgousier. Par bonté d’âme, il le libère afin qu’il puisse raisonner son chef. Les pays amis de Grandgousier lui proposent leur aide, mais il la refuse car ses forces sont suffisantes. Il mobilise ses légions. Toucquedillon propose à Picrochole de se réconcilier avec Grandgousier. Hastiveau déclare que Toucquedillon est un traître mais ce dernier le tue. Et à son tour Toucquedillon est tué par Picrochole. Gargantua et ses hommes attaquent le château de Picrochole. Les défenseurs hésitent sur la conduite à tenir. Gargantua passe à l’assaut et frère Jean tue quelques soldats de Picrochole.

Voyant sa défaite inéluctable, Picrochole décide de fuir. Sur la route, son cheval trébuche et par colère il le tue. Il tente alors de voler un âne à des meuniers qui réagissent violemment et finalement le volent. Et depuis, personne ne sait ce qu’il est devenu. Gargantua recense les rescapés. Par bienveillance Gargantua libère les soldats faits prisonniers, et il leur verse trois mois de solde afin qu’ils puissent rentrer chez eux et nourrir leurs familles. Cependant, il ordonne que les conseillers de Picrochole lui soient ramenés. Grandgousier récompense fortement ses soldats et indemnise les paysans victimes de la guerre. Il organise un festin grandiose où il offre à ses seigneurs terres et privilèges.
( Azadunifr )

3 commentaires:

À 11:54 AM , Blogger Cesco a dit...

Moins connues que Pantagruel ou Gargantua, les lettres de Rabelais chroniquent parfois de grands événements de son temps. Par exemple, quand François Rabelais séjourna à Rome en 1536 en tant que médecin de Jean du Bellay, évêque de Paris envoyé en ambassade par François Ier auprès du pape et oncle du poète, il décrivit dans ses lettres les préparatifs de la venue de Charles6quint, comme on peut le lire ici :

http://www.villemagne.net/site_fr/rome-charles-quint.php

Par le Römerzug, la "Chevauchée romaine", l'empereur venait parachever son autorité.

 
À 1:27 PM , Blogger French Spanish Online a dit...

pour apprendre le français gratuit http://www.frenchspanishonline.com, to learn French for free.

 
À 6:33 AM , Blogger Unknown a dit...

Je vous félicite pour ces merveilleux partages. Continuez ainsi !
Amicalement


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