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jeudi

La cigale 3

La cigale





En quelques vers rapides le personnage de la cigale est présenté et le thème introduit. Anouilh réécrit la première phrase de La cigale et la fourmi : à la reprise des deux premiers vers bien connus succède une transposition inversant la situation de la cigale (voir notamment l’opposition « dépourvue »/« pourvue ».A partir de l’’opposition "dépourvue / bien pourvue" le schéma est identique : la cigale va voir la fourmi / le renard. Mais la visée de la requête s’inverse (demande de biens / demande de placement de biens).
Les poèmes diffèrent en ce que celui de La Fontaine est vide d’argumentation alors que celle-ci est très développée dans le texte d’Anouilh : La Fontaine veut montrer que la pauvreté n’a aucun argument pour se défendre et la richesse égoïste aucune raison pour se justifier (les vers 15 et 16 prouvent que La Fontaine condamne aussi la fourmi), alors qu’Anouilh ironise sur les ressources de ruse que le renard banquier déploie pour gagner de l’argent au détriment de l’artiste aussi bien que sur la froide rationalité de cette demi-mondaine de cigale prête à toutes les cruautés par appât du gain.Les deux fables progressent vers des conclusions symétriques : chez La Fontaine, la cigale est éconduite, chez Anouilh le renard s’incline.



Fables de Jean Anouilh, sur Amazon.

La cigale ayant chanté
Tout l’été,
Dans maints casinos, maintes boîtes
Se trouva fort bien pourvue
Quand la bise fut venue.
Elle en avait à gauche, elle en avait à droite,
Dans plusieurs établissements.
Restait à assurer un fécond placement.
Elle alla trouver un renard,
Spécialisé dans les prêts hypothécaires
Qui, la voyant entrer l’œil noyé sous le fard,
Tout enfantine et minaudière,
Crut qu’il tenait la bonne affaire.
« Madame, lui dit-il, j’ai le plus grand respect
Pour votre art et pour les artistes.
L’argent, hélas ! n’est qu’un aspect
Bien trivial, je dirais bien triste,
Si nous n’en avions tous besoin,
De la condition humaine.
L’argent réclame des soins.
Il ne doit pourtant pas, devenir une gêne.
À d’autres qui n’ont pas vos dons de poésie
Vous qui planez, laissez, laissez le rôle ingrat
De gérer vos économies,
À trop de bas calculs votre art s’étiolera.
Vous perdriez votre génie.
Signez donc ce petit blanc-seing
Et ne vous occupez de rien. »
Souriant avec bonhomie,
« Croyez, Madame, ajouta-t-il, je voudrais, moi,
Pouvoir, tout comme vous, ne sacrifier qu’aux muses ! »
Il tendait son papier. « Je crois que l’on s’amuse »,
Lui dit la cigale, l’œil froid.
Le renard, tout sucre et tout miel,
Vit un regard d’acier briller sous le rimmel.
« Si j’ai frappé à votre porte,
Sachant le taux exorbitant que vous prenez,
C’est que j’entends que la chose rapporte.
Je sais votre taux d’intérêt.
C’est le mien. Vous l’augmenterez
Légèrement, pour trouver votre bénéfice.
J’entends que mon tas d’or grossisse.
J’ai un serpent pour avocat.
Il passera demain discuter du contrat. »
L’œil perdu, ayant vérifié son fard,
Drapée avec élégance
Dans une cape de renard
(Que le renard feignit de ne pas avoir vue),
Elle précisa en sortant :
« Je veux que vous prêtiez aux pauvres seulement... »
(Ce dernier trait rendit au renard l’espérance.)
« Oui, conclut la cigale au sourire charmant,
On dit qu’en cas de non-paiement
D’une ou l’autre des échéances,
C’est eux dont on vend tout le plus facilement. »
Maître Renard qui se croyait cynique
S’inclina. Mais depuis, il apprend la musique.
....

1 commentaires:

À 5:03 AM , Blogger jepoeme a dit...

Tres beau poème, un conseil allez sur le site www.jepoeme.fr vous trouverez des poèmes sur touts les thèmes

 

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