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Le XIXe siècle

Le XIXe siècle commence avec un coup d'État : le 18 brumaire de l'an VIII (novembre 1799), Napoléon Bonaparte accède au pouvoir et prend le titre de Premier Consul, puis se fait sacrer empereur en 1804 avec un pouvoir illimité. Commence alors une période marquée par la prééminence de l'autorité impériale sur tous les domaines de la vie intellectuelle et sociale. Parallèlement, Napoléon mène une politique de conquête qui va durer jusqu'à l'échec de la campagne de Russie. L'épisode des Cent-Jours, durant lequel il tente de reprendre le pouvoir, est le dernier soubresaut de cette épopée qui s'achève avec la défaite de Waterloo en 1815. La période de l'Empire laisse derrière elle de solides institutions. L'Université, le Code civil, le franc germinal sont autant d'éléments qui créent les conditions économiques nécessaires à la révolution industrielle.
La coalition des anciens ennemis de la France rétablit la monarchie en imposant un Bourbon, Louis XVIII, à la tête du pays. S'inaugure un régime constitutionnel propre à faire renaître les libertés publiques. Mais, sous le règne de Charles X, l'intransigeance du ministère Polignac suscite le mécontentement. La publication de quatre ordonnances suspendant les libertés de presse, et restreignant le droit de vote, met le feu aux poudres : la révolution de 1830, qui se déroule durant les "Trois Glorieuses", du 27 au 29 juillet 1830, renverse le pouvoir et fait triompher le parti orléaniste. Avec Louis-Philippe, la bourgeoisie dirige la France, mais les revendications républicaines conduisent à des émeutes. À partir de 1846, l'opposition se durcit, et, en 1848, face au refus d'une réforme électorale, Paris se soulève une nouvelle fois au mois de février. La Seconde République est proclamée, mais elle ne résistera pas aux dissensions qui la mine, et, le 2 décembre 1851, Louis Napoléon Bonaparte, élu trois ans plus tôt, dissout l'Assemblée, se fait accorder par un plébiscite le droit d'établir une nouvelle Constitution, réprime les insurrections, et se fait sacrer empereur.
Le Second Empire commence par un régime dictatorial. Mais, à partir des années 1860, son autorité s'affaiblit. La défaite de Sedan (1870) précipite la chute de l'Empire et la Troisième République est proclamée, le 4 septembre 1870. Elle restaure, peu à peu, après l'insurrection de la Commune et sa répression, un régime parlementaire et adopte une série de mesures législatives favorables aux libertés publiques et à l'enseignement.

Les mutations économiques du XIXe siècle transforment profondément la société française. L'industrie, la banque et la finance se structurent. Mais cette croissance est inégalitaire : loin d'enrayer la misère sociale, elle tend même à l'accentuer. La naissance des idées socialistes autour d'hommes comme Fourier ou Proudhon inspire de la crainte à une bourgeoisie qui sent ses intérêts menacés. Une nouvelle classe sociale apparaît : le prolétariat. Les émeutes qui jalonnent le siècle cristallisent leurs aspirations.

La littérature du XIXe siècle est traversée par toutes les tensions, les espoirs, et les déceptions du siècle. Le développement de l'instruction et l'élargissement du public, grâce à de nouveaux moyens de diffusion comme la publication d'épisodes de romans dans les journaux, rendent la littérature accessible à une masse de lecteurs toujours plus importants. Les auteurs peuvent vivre de leurs droits, et l'écriture devient une profession à part entière.

Le principal courant littéraire de la première moitié du XIXe siècle est le romantisme. Influencé par les mouvements d'idées des autres pays européens, le romantisme est un terme assez vague. Ceux qui s'en réclament s'opposent aux règles d'écriture classiques et revalorisent l'imagination, l'émotion, et la sentimentalité. Mais chacun y voit la définition qui sied le mieux à sa personnalité. Toutefois, ce qui les réunit est un sentiment de malaise face à un monde en pleine mutation, où l'Histoire s'accélère et où les valeurs sont devenues instables. La quête d'identité se traduit par un repli sur soi. Cela est particulièrement visible en la poésie : Lamartine, Hugo, Musset ou Nerval expriment, par des émotions extrêmes et opposées, comme l'angoisse et l'extase, ce sentiment paradoxal. Une nouvelle représentation de l'écrivain voit alors le jour. Hugo, par exemple, fait du poète un "mage" devant guider le peuple vers un avenir meilleur. Inversement, la figure du poète paria, incompris, et vivant seul en marge de la société, viendra par la suite nourrir l'imaginaire des poètes tout au long du XIXe siècle.

Car le romantisme inspire les différents courants poétiques de la seconde moitié du XIXe siècle. Qu'ils soient en réaction contre lui, comme le mouvement parnassien avec Leconte de Lisle ou Théophile Gautier, ou, au contraire, dans son sillage, comme la mouvance symboliste de poètes tels que Verlaine, Mallarmé, Rimbaud ou Lautréamont, ces courants restent marqués par cette tendance individualiste. Le Moi est pour le poète le théâtre du monde. Il y puise sa capacité à voir et à dire. Cette écriture du Je donne lieu à de nombreuse innovations formelles pouvant mener à un certain hermétisme. Elle a profondément marqué la littérature, et le surréalisme y trouvera, au siècle suivant, la source de sa légitimité.

Le XIXe siècle est l'âge d'or du genre romanesque. Les romans, inspirés, eux-aussi, des thèmes romantiques, mettent à profit ce traitement du Moi. Les personnages de René de Chateaubriand, qui inaugure la série des héros romantiques, ou d'Adolphe de Benjamin Constant, sont les doubles des auteurs. Avec eux, l'œuvre acquiert une dimension autobiographique où la découverte de l'intériorité renvoie à la totalité du monde. Stendhal appellera cela l'"égotisme" et en illustrera souvent la définition (Journal, Souvenir d'égotisme). Toutefois, les récits peuvent également être des romans d'apprentissage. Rastignac dans le Père Goriot de Balzac, Julien Sorel dans Le Rouge et le Noir de Stendhal, ou Frédéric dans L'Éducation sentimentale de Flaubert, se lancent à l'aventure dans une société dont ils apprennent à reconnaître les signes et le fonctionnement.

Durant la première moitié du XIXe siècle, le romantisme d'écrivains comme Chateaubriand, Stendhal, Balzac, Vigny ou Hugo, qui ont tous connu l'épopée napoléonienne, évolue vers une écriture du désenchantement après l'épisode de la révolution de 1830. Musset, Nerval, Flaubert ou Baudelaire, ne connaissent que les lendemains de l'essor romantique. Leur écriture se fait plus nostalgique, voire mélancolique, comme le résume cette formule de Musset ( en 1836) : "Je suis venu trop tard dans un monde trop vieux.". Pour cette génération déçue, la société n'est plus orientée vers un avenir meilleur. Au contraire, elle leur apparaît comme un monde vicié de l'intérieur et d'un conformisme écrasant, où l'on ne peut que sombrer dans l'ennui, ce "mal du siècle".

Le "réalisme" des romans de cette période n'est pas uniforme. Chaque écrivain propose une manière de dépeindre la société sans complaisance. Le lecteur est ainsi plongé en plein cœur d'un XIXe siècle, qui diffère radicalement des illusions généreuses et des espoirs que la génération romantique plaçait dans l'avenir. Cette écriture réaliste ouvre la voie aux romans naturalistes, en particulier ceux de Zola, dont la prétention scientifique conduit à traiter le réel comme une pathologie. La grande fresque des Rougon-Macquart dresse ainsi le diagnostic d'une société où la misère et la richesse se côtoient.

Le genre romanesque trouve également, dans l'Histoire, des sujets qui inspireront la toile de fond de certaines œuvres. Ainsi, Alexandre Dumas crée des personnages de fiction qui évoluent au milieu de personnages historiques. Michelet, quant à lui, bien que historien, emprunte au romanesque sa manière de décrire les temps passés. Les formes narratives brèves du conte et de la nouvelle sont, elles, très inspirées par le fantastique et le roman noir anglais. Gautier, Mérimée, Nerval et Maupassant y trouvent leur principale veine d'inspiration.

Le théâtre connaît également, au XIXe siècle, de profonds changements. Dans la préface de Cromwell (1827), Hugo annonce une refonte totale du genre dramatique : dégagé de la forme classique sclérosante, le drame mélange les genres et rompt avec la règle des unités. Le scandale provoqué lors de la première représentation d'Hernani (1830) de Hugo, fait connaître avec fracas cette nouvelle esthétique théâtrale. Enthousiasmé par Shakespeare dont il fit plusieurs traductions, Vigny renouvelle la tragédie avec son Chatterton (1835), pièce inspirée par la vie de ce jeune poète anglais du XVIIIe siècle, qui se suicida. Mais c'est Musset qui apporte au drame l'une des œuvres les plus originales avec son Lorenzaccio (écrit 1834, mais joué pour la première fois 1895), dont le pessimisme condense bien ce que Musset pense de son temps.

Le théâtre de la fin du XIXe siècle est d'une extrême diversité. Une fois le drame romantique passé de mode, la comédie de mœurs prend son essor avec en particulier des vaudevilles comme ceux de Labiche. Motivées par le rire du spectateur, ses pièces recourent à la caricature et au grossissement et annoncent Georges Feydeau. Le théâtre naturaliste, quant à lui, illustré particulièrement par Henri Becque, est plus sombre. Il cherche à atteindre une vérité sociale dans les intrigues qu'il met en scène. À la fin du siècle, le théâtre symboliste se propose de rénover l'art dramatique en tentant de suggérer plutôt que de dire. Maurice Maeterlinck, qui illustre cette nouvelle tendance, influencera Alfred Jarry, puis Antonin Artaud au XXe siècle. Mais parallèlement à cette mode symboliste, alors fréquemment rapprochée des agitations anarchistes, le succès populaire considérable rencontré par une pièce comme Cyrano de Bergerac (1897) d'Edmond Rostand est emblématique de la variété des registres dramatiques qui se côtoient alors. Cette pièce, qui renoue avec le drame hugolien, prouve que le public continue à apprécier la comédie héroïque romantique.



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