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lundi

Marie Botturi

Trois chants extraits de LES MAINS DE LA TERRE.

(La Bartavelle-Editeur, Collection :Le manteau du berger.)



CHANT PREMIER

Vois-tu,

il me semble

que je marche vers toi depuis toujours.

Toujours

j'ai ignoré ton nom, ton visage,

tes mains.

Toujours

j'ai espéré la saveur de tes gestes

et craint pour ta liberté.

.

Dans le silence des cris,

j'ai le coeur dans la bouche.

A voix nue,

je marche dans l'ouvert

du manque.

Comment s'agenouiller ?

Me voilà encore

à trébucher

dans l'écartèlement du désir.

.

Parfois,

les mots d'angoisse dessinent une mouette.

.

Voilà,

je suis l'oiseau blanc,

le cri sur la lande,

le cri qui me parle.

J'écris sans mots,

mon corps trace son poème.

Je viens de naître.

.

Je bois le lait de la terre,

j'ai rendez-vous avec le miel.

Je capte le soleil,

j'ouvre les visages et le ciel.

Je laisse des signes sur la mer.

.

Ai-je jamais vécu

Dans les ombres sourdes ?

.

Ce frémissement dans l'air,

ces herbes languissantes,

est-ce le chant qui monte ?

Quelle absence

suis-je en train de guetter ?

.

Non, ne montre pas ta face,

oublie même mon visage.

Le vent plaintif rôde dans les coeurs.

Donne-moi juste la force

de traverser les heures grises,

le destin ténébreux.

*

Non, Orphée,

il ne faut pas se retourner.

En arrière,

c'est toujours la tristesse des soirs de solitude,

la mémoire en dérive de nostalgie.

C'est rien d'autre

que la désolation.

.

Ni hier ni demain non plus,

Orphée.

Mais maintenant, oui,

possible, riche d'impossibles et d'inconnus.

.

Marchons à grands pas,

mains grandes ouvertes,

scrutons les ténèbres.

Nous ne savons pas où passe la route de la lumière.

Viens-tu, lumière ineffable, comme le songe de la nuit ?

Cherches-tu ton chemin parmi les ombres indécises

pour venir jusqu'à nous ?

.

La nuit s'égoutte sur les toits,

entre par la fenêtre,

couvre le plafond.

Ô nuit,

laisse tomber les rideaux tendres

pour un frais réveil du matin !

Je voudrais ne plus lutter contre le sommeil,

rejoindre chaque soir le sentier de la musique

et que la terre entière vive en moi.


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